Mais que veut-on encore aux Beys, 60 ans après les avoir dépouillés et humiliés ?

Par Lakhdar SOUID

La proclamation de la première république, en Tunisie, était l’espoir tant rêvé, pour toute une population sortant des tunnels d’un colonialisme Français frustrant et humiliant. Feu Lamine Bey, n’y était pas opposé, il a même participé activement, aux cotés des dirigeants du néo-Destour, à poser les fondements de la jeune république, après avoir conduit une partie des accords de l’indépendance. Bourguiba se rendait même fréquemment au palais Beylical, où il est régulièrement reçu avec les honneurs et la convivialité, dignes de son rang, au point que l’ambiance régnant dans le palais devenait familiale et détendue. Les enfants de la famille et surtout Salwa, alors âgée de 16 ans, gratifiaient Bourguiba du titre innocent de tonton.

Un jour, sans crier gare, Bourguiba et ses compagnons décidèrent de délocaliser le Bey et toute la famille du palais. Pour les survivants de la famille, c’était l’offense, le mépris et la haine de leur vie, en se trouvant conduits manu-militari, hors de l’enceinte du palais, la tète alourdie par des baluchons, rassemblés à la hâte, dans la confusion et l’affolement.. Sous les yeux inquisiteurs et vigilants de certains ministres de Bourguiba et une harde de policiers en civil, la famille fut sommée de se défaire de tous les bijoux qu’ils portaient sur eux. Les dames n’étaient autorisées à emporter que les vêtements usagés avec restriction et interdiction de puiser dans les garde-robes.

Plusieurs kilos de bijoux et de joailleries finement ciselées et serties de pierres précieuses, avaient depuis ou bien disparus ou bien remplacés par des copies en toc, d’après le témoignage de l’expert Cordina, bijoutier au Colisée de Tunis et principal fournisseur de la famille Beylicale. Ce qui laisse croire que son expertise est irrévocable et indiscutablement digne de foi.
L’apogée de l’arrogance et de l’humiliation, c’est lorsque, la jeune fille, Salwa bent Slah Lamine Bey qui suivait le convoi familial à pieds, fut soudainement interpellée par un ministre présent sur place. Il lui fit remarquer l’état neuf des chaussures qu’elle portait, lui intima l’ordre de se déchausser en criant  » enlève ces chaussures de tes pieds, ce sont la propriété du peuple » lui dit-il, d’un ton autoritaire et sarcastique. Le bey fut conduit à son exil drapé dans une djellaba transparente et légère, qu’il garda collée à sa peau des mois et des mois, au delà des mois d’hiver.

Impitoyablement et sans état d’âme, jetée dans la rue, la famille Housseinite, ignorait encore, le courroux et la haine des nouveaux responsables du pays, qui épiaient ses membres à chaque coin de rue : harcèlement, prison, privation et isolement. Ils ont mangé de la vache enragée, du pain rassis, couché sur du carton, squatté des masures… Toujours dignes malgré tout, ils n’ont pas baissé les bras ni plié l’échine. Ils ont dû affronter courageusement la haine punitive du régime Bourguiba.

En grandissant, les enfants ont réussi leur intégration socio-professionnelle et le meilleur exemple, reste la dernière princesse Salwa Bey. Fortement soutenue par son époux Ridha Kchouk, un enfant prodige du peuple, Il a éclairé sa voie vers un bonheur mérité. Elle exploite aujourd’hui royalement son prestigieux restaurant « Elwalima « , qui ne cesse de glaner des étoiles eb collectionnant des fourchettes. Autour de ses tables, se réunit la jet set de la capitale, pour se régaler d’une cuisine exquise et raffinée.

Comme toute Tunisienne qui se respecte, Salwa Bey a élevé ses enfants, dans les pures traditions tunisiennes, obéissant à l’amour, le respect, l’acceptation de la différence, le labeur et surtout la dignité.

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