Information et Pouvoir : les liaisons dangereuses

Les médias est une arme à double tranchant : le scandale de Watergate l’a prouvé. Le comportement de la presse durant cette période a été présenté comme l’image de ce que le journalisme a de meilleur à offrir à la démocratie à savoir veiller à ce que les autorités soient tenues responsables de leurs actes. La profession a bénéficié d’une grande crédibilité, une augmentation notable des inscriptions dans les écoles de journalisme a été enregistrée durant cette période. Toutefois, près de trois décennies plus tard, la situation a changé.

En Tunisie, l’affaire a commencé suite au rapport du quotidien d’information britannique ‘’The Guardian’’ expliquant que le gouvernement britannique aurait sollicité la célèbre agence de publicité Saatchi & Saatchi (agence connue pour sa publicité politique percutante pour le parti conservateur) pour mener une campagne médiatique en faveur du gouvernement tunisien, expliquant que des fonds publics britanniques destinés au développement et à la sécurité ont été secrètement détournés de leur destination pour financer des campagnes médiatiques en Tunisie destinées à amadouer les jeunes (18 à 35 ans) pour leur faire accepter les réformes du FMI, c’est à dire la politique du gouvernement (pour toute réforme, aujourd’hui il n’y a qu’un endettement explosif). Le tout, dans le but d’obtenir l’adhésion de l’électorat tunisien.

Qu’en est-il réellement ? Sur facebook, La campagne,’’Nheb Nkadem’’, est présentée comme « une initiative gouvernementale qui vise à sensibiliser les Tunisiens et Tunisiennes à l’égard des grandes réformes auxquelles fait face la Tunisie. » Cette campagne de sensibilisation est présentée également comme une campagne visant également à informer des travaux du gouvernement tunisien, notamment en matière de réformes économiques et sociales qui amélioreront le quotidien des tunisiens. La pratique ne date pourtant pas d’hier, et l’affaire a suscité beaucoup d’intérêt médiatique, et peut nous renvoyer à redéfinir et préciser les nuances existants entre les trois termes : Information, Communication et Propagande.

Le mot Information, en journalisme, désigne tout élément d’une histoire ayant été vérifié, validé avec objectivité et neutralité, en opposition à une rumeur, un bruit de couloir. Le mot communication, en journalisme (comme en marketing ou en politique), désigne tout élément de discours qui vise à faire passer un message, une idée, une opinion ou une directive à des fins de propagande politique ou de publicité commerciale. La frontière entre les deux termes tend à s’estomper, à tel point que le lecteur ou l’auditeur n’est souvent plus en mesure de distinguer entre eux. Les informations fournies par les médias ou contrôlés par les pouvoirs en place ne sont pas nécessairement mensongères mais elles sont généralement orientées en fonction des intérêts économiques et donc politiques des patrons de presse et de leurs amis, soucieux de pérenniser le régime en place.

‘’On ne peut pas ne pas manipuler’’

Toute communication produit des effets : elle manipule. Dès lors, aussitôt que l’on communique l’on manipule.
Les recherches en communication « persuasive », sont celles qui traitent à la fois de ‘’l’efficacité’’ et de ‘’l’efficience’’ de la communication, c’est-à-dire à la fois des effets voulus sur autrui par l’auteur d’un message et de ceux que celui-ci n’a pas ‘’consciemment’’ recherchés.
Two-step flow Theory : Les termes du contrat entre le gouvernement britannique et l’agence de propagande M & C Saatchi, prouvent que l’agence fournit au Royaume-Uni de nombreux services de consulting dans divers domaines tels que le leadership, la science du comportement, les comportements publics, ceux des jeunes et des minorités, ainsi que des stratégies de communication.

Ceci nous renvoie à la théorie des deux étages : Tirant les enseignements de diverses enquêtes réalisées au cours de campagnes électorales américaines de 1940 et de 1948, Elihu Katz et Paul Lazarsfeld avaient élaboré, en 1955, une théorie connue sous le nom de théorie des deux étages de la communication ou communication en deux temps. Ils montrèrent ainsi, par leur analyse de la campagne électorale, que l’opinion des citoyens est peu affectée par cette dernière. L’influence des médias s’opère selon un processus à deux niveaux : les leaders d’opinion (personnes qui, par leur comportement ou leur position, ont une emprise sur leur entourage) filtrent l’information et pèsent sur l’opinion des individus.

Samia Rebei

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