Leila Chebbi devient complice des prisonniers de Mornaguia

Qui ne connait pas Leila Chebbi, cette comédienne tunisienne hors pair, courageuse, directe et qui n’a pas peur d’exprimer ce qu’elle pense. Elle cartonne aujourd’hui avec sa pièce « Tarchika 2 ». Ce spectacle présenté un peu partout dans le pays, a été même présenté en prison dans une petite salle polyvalente. Un décor simple et des murs nus. Sur scène, une femme s’adresse à un public bien spécial. Nous avons rencontré cette actrice d’exception pour en savoir plus. Entretien.

Comment avez-vous eu l’idée d’écrire et d’interpréter « Tarchika » ?

Les différents événements post révolution m’ont permis de me poser beaucoup de questions. J’étais en plein dedans et tout cela m’appartenait à la fois. Depuis Ben Guardane 2011 jusqu’au seeting du Bardo qui a débouché sur l’alliance que nous connaissons tous. L’identité a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Une polémique sans relâche surtout autour de la femme. Des faux problèmes ont surgi à ce propos. Le paysage sociétal avait changé des pour et des contres ont meublé toutes les couches sociales. L’apparence générale de la société avait changé. Nous étions entre la couverture et le cantonnement de la femme dans ses accoutrements et le mouvement contestataires des femens.
Un jour, j’étais de passage à Kheireddine Mohamed Ali, pas loin du canal. Des chantiers étaient en cours et une grue avait attiré mon attention. Mon imagination s’est tout de suite envolée pour voir de haut le peuple tunisien en pleine consultation psychiatrique. C’était sans doute mon refus inconscient et conscient qui m’a poussée dans la problématique tragique de l’extrémisme que nous avons vécu.
Cela m’a permis de présenter ma pièce d’une manière humoristique à travers le personnage de Dalenda enveloppée d’une robe noire parsemée de fleurs du printemps arabe.

Un humour noir plutôt ?

En effet, je m’imaginais pleurer après l’écriture du texte lors des premières répétions de la pièce. Mais j’ai pu transformer par la suite cette situation dramatique, en des scènes hilarantes.

Ne trouvez vous pas que les événements du passés sont encore actuels ?

La tragédie économique, sociale et politique se poursuit effectivement. Mais se poursuit aussi l’explosion de rire « Tarchika ». Une explosion qui n’a rien à voir avec celle des terroristes.

Vous êtes l’une des rares comédiennes à avoir réalisé un one women show…

Je suis la première femme a avoir fait le one women show en 1997 dans « Mra fi 7amem irjal ». Une femme à l’époque des hommes. Ce spectacle avait fait à l’époque le buzz et une pluie d’articles s’en était suivi. Le grand journaliste et critique Moncef Charfeddine m’avait marqué par son article.

Comment a été accueillie « Tarchika » à l’intérieur du pays ?

A part l’espace d’El Téatro, Mad’Art Carthage, la Cité de la culture, un très bon accueil de la part du public de Mahdia et Kairouan. Des femmes voilées ont montré une certaine pudeur vis-à-vis de la pièce, elles se sont en fin de compte laissé aller dans les scènes drôles et venir me remercier vivement pour ce moment dans les coulisses.

« Tarchika » a par la suite atterri même devant le public carcéral?

En effet, la pièce a été présenté dans la prison de Mornaguia. C’était très émouvant pour moi et J’ai beaucoup apprécié les responsables qui n’ont émis aucune réserve ni censure. L’interaction avec les prisonniers était assurée. J’étais si heureuse que ce public bien particuliers se soient si amusés. Ils ont ri à gorge déployée et ils ont même dansé.

Envisagez vous une représentation dans une prison de femmes ?

Bien évidemment que je le souhaite… Et surtout je souhaiterais un débat à la fin de la pièce. Dans la prison de Mornaguia, j’avais remarqué après mon spectacle que la prison a muté vers un espace plus humain et accueillant.

Vous vous sentez plus dans votre élément dans le cinéma ou dans le théâtre ?

J’aime beaucoup le cinéma. Il est pour moi, l’âme de l’acteur. J’ai si bien réussi dans des rôles importants tels « Demain je brûle » de Ahmed Ben Smail, « Khochkhach, Fleur d’oubli » de Salma Baccar, « Hailaman », de Walid Tayaa ou encore dans ma participation dans « Dharbat Jaza » de Nouri Bouzid. Cependant, le théâtre reste cette relation coup de cœur avec le public.

Quels sont vos rêves ?

Mes rêves sont à ma portée. Il s’agit de réaliser à la perfection mon métier. J’aimerais être aussi dans le théâtre classique arabe et interpréter des personnages historiques. Pourquoi pas au cinéma et à la télévision également.

Nadia Ayadi

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