Faut-il à présent appeler Leila Hejaiej Docteur ?
Nous pénétrions doucement dans l’amphi « Hassen Hosni Abdlwahab » de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba. Le goût pour les arts est visible dans une vaste salle austère par ses rideaux classiques et meubles anciens. Au centre, en symbiose, siégeait la belle universitaire et artiste nationale Leila Hjaiej dont la bonne réputation artistique n’est plus à démontrer. En face d’elle trônait un jury dont la curiosité pour l’argumentation de la postulante avait été aiguisée par la lecture attentive des 280 pages d’une originale thèse de doctorat.
Dans le bouillonnement intellectuel anglophone de la candidate, nous avions quelques troubles à tout comprendre en anglais et nous n’en n’étions que frustrés vu l’importance du sujet. La thèse de doctorat de Leila Hjaiej intitulée « Of Bond and Bondage in Toni Morrison’s Trilogy », porte en effet sur la problématique de l’esclavage et du lien dans la Trilogie de Toni Morrison. Un lien mettant en avant les liens entre mère et enfant, homme et femme, individu et communauté, mais aussi entre littérature et musique.
Comme Toni Morrison qui a donné un nouveau souffle à la littérature américaine de la seconde moitié du 20 ème en général et aux lettres afro-américaines en particulier, Leila Hjaiej a également donné un nouveau souffle aux thèses de doctorat classiques. Son style allie précision et acuité de l’observation psychologique et sociale.
La plupart des romans de Toni Morrisson se rapprochent du réalisme magique latino-américain. Entre rêve et réalité, ils décrivent la misère des Noirs aux Etats Unis depuis le début du xxe siècle. Avec l’approche d’une conteuse, Morrison recompose, une mémoire dense et complexe. Son œuvre revisite systématiquement l’histoire de son pays du point de vue des laissés-pour-compte et se dote de techniques narratives singulière. On ne peut ne pas penser également à ce parallèle au cœur de la thèse de Leila Hjaiej qui porte une admiration pour Toni Morisson.
Professeur de littérature anglaise, Leila Hjaiej réalise sa première thèse de doctorat en obtenant l’admiration du Jury qui note « son art » d’analyse caractérisé par une puissante et riche expressivité où Toni Morrison est comme son invitée d’honneur. C’est que la thèse est le fruit d’un véritable vécu de l’artiste où comme si elle restituait des voix qui l’ont effectivement entourée. Elle en recompose, scientifiquement cette mémoire.
Les discriminations se sont finalement imposées comme l’un des mécanismes de production des inégalités qui jalonnent les sociétés dans le monde et participent à la constitution de groupes de populations « minorisés ». Cette thèse aborde la question de l’identification et de la dénonciation des discriminations racistes et sexistes sous un angle méthodologique du vécu justement de l’auteur qui confie : « J’ai passé une année avec une famille noire-américaine aux Etats-Unis dans le cadre d’un programme d’échange avec l’AFS. « The Odens » m’ont accueilli avec beaucoup d’amour et m’ont fait sentir que je faisais partie de leur famille.
C’était un voyage dans un monde différent avec ses défis au quotidien, ses luttes et ses joies. Cette expérience m’a beaucoup marquée et m’a inspirée pour entreprendre plus tard ma thèse de doctorat. J’ai travaillé sur la romancière Afro- Américaine Toni Morrison. La première et la seule femme noire à avoir reçu le prix Nobel de Littérature en 1993. Sa plume est somptueuse et elle écrit avec beaucoup de lyrisme et de poésie ».
Leila Hjaiej a rempli elle aussi la salle de poésie culturelle universelle qui a clôturé une thèse de doctorat qui a eu les félicitations du Jury avec la mention « très honorable ».
Le Jury a été composé des talentueux professeurs Nejet Mchala Saloua Chérif, Salwa Ounelli et Sadok Bouhlila. Il a été présidé par le Professeur Rochdi Khelifa.
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