Tunis : Quand les vide-greniers deviennent un sport national
Ils prolifèrent partout, dans les maisons, les jardins privatifs, les espaces publics, cafés populaires, salons de thé, cours d’écoles… Les vide-greniers ont de plus en plus d’adeptes en Tunisie. Acheteurs ou vendeurs fusionnent entre raisons économiques et plaisir de chiner. Un véritable phénomène de société qui prend de l’ampleur. Vous pouvez vous inscrire à n’importe quel vide-grenier, que vous soyez ou non de la région où il se déroule. Et pas de neuf que de l’usagé !
Ces manifestations populaires au cours desquelles les particuliers, qui ne sont ni commerçants ambulants ni brocanteurs de métier, vendent les objets dont ils ne se servent plus. On y trouve de tout : vêtements, chaussures, livres, disques, vaisselles, jouets, petits meubles, bijoux, confitures artisanales, gâteaux faits maisons, différentes « Bsissa »… Pour les tunisiens, faire les vide-greniers devient on a envie de dire parmi les loisirs préférés.
Une débrouillardise en temps de crise
A Tunis, le phénomène a commencé il y a environ une dizaine d’années. Celle qui a lancé cette mode se nomme Imen Safraoui alors qu’elle était encore qu’une jeune lycéenne de 17 ans. Elle confie « L’idée a germé alors que nous étions en excursion en Aix-en- Provence en France. Lors d’une sortie, j’avais remarqué un espace public réservé où il y avait de tout à petit prix. J’avais posé la question et on m’avait répondu qu’il s’agissait d’un vide grenier. Je ne connaissais pas le terme mais j’ai vite compris de quoi il s’agissait. Il y avait des personnes qui venaient une fois par semaine vendre ou acheter dans des lieux aménagés momentanément pour la vente de différents produits ou objets personnel à mini prix. J’avais trouvé l’idée géniale. Dès mon retour à Tunis, j’en ai parlé à mes cousines et mes amies. A l’époque, on n’avait pas assez d’argent pour louer un espace pour vendre tout ce qu’on avait en surplus. Nous avons alors commencé par faire du troc entre nous. Chacune de nous ramenait une valise de vêtements et on s’échangeait nos fringues au lieu de les payer. On s’installait dans un parc pas loin de chez nous du côté de Salambo. Les gens qui passaient étaient si curieux de voir tout ce bazar, qu’ils n’hésitaient pas à s’approcher pour voir de plus près tout ce qu’il y avait dans les valises ouvertes. Ils étaient très intéressés et voulaient même acheter certaines choses en insistant. C’est à ce moment là que j’ai pensé à ce que j’ai gardé en mémoire lors de mon voyage à Aix-En-Provence. Pourquoi ne pas faire un vide grenier tunisien ? C’était déjà en 2008 et l’aventure continue en 2017.
L’effet boule de neige tunisien des « Vide-greniers »
Mon premier bénéfice était de 32 dinars en fin de journée. J’avais vendu des petites choses à 500 millimes et un dinar. Aujourd’hui, je peux gagner jusqu’à 200 dinars la journée. Il faut dire que les espaces loués actuellement coutent de plus en plus cher. A l’époque je louais un espace à 150 dinars aujourd’hui, il est loué de 500 à 1000 dinars cela dépend de l’endroit. Mais je ne suis plus la seule détentrice de l’idée, les vides greniers se sont propagé partout comme une trainée de poudre. Les organisateurs peuvent être également des associations, des organismes caritatifs, des parents d’élèves… ».
Les participants apprécient en plus l’ambiance de ces manifestations : on discute facilement avec les voisins de stands, on y échange ses « marchandises », cafés et gâteaux sont offerts…
Mais qu’est-ce qui attire dans les vide-greniers ?
Aujourd’hui, du côté des vendeurs, ils évoquent surtout des raisons financières. Vendre quelques bricoles le week-end leur permet d’arrondir les fins de mois difficiles. Peu à peu, cela devient une nécessité financière due à la crise économique. Mais les vide-greniers peuvent aussi être l’occasion pour les vendeurs de « vider les caves ou les garage », « Cela ne fait pas de mal de se séparer de certains objets qui nous encombrent et dont nous ne nous servons jamais. D’autres peuvent y trouver une utilisation et tout le monde trouve son compte. » affirme Fatma derrière sa table dans le jardin du café Saf Saf à la Marsa.
Acheteurs- vendeurs : mêmes raisons économiques
En ce qui concerne les acheteurs, on retrouve ces mêmes raisons économiques. « Cela permet de trouver des choses que l’on ne pourrait pas forcément se payer en magasin confie Mounira artiste. C’est aussi l’occasion de chiner des choses bien spéciales ». ounire visite en effet les vide-greniers pour récupérer des matériaux qui pourront lui servir pour ses œuvres : perles, porcelaines, meubles qu’elle se fera un plaisir ensuite à détourner ou à relooker.
Nous pouvons rencontrer aussi des acheteurs qu’on pourrait qualifier de « professionnels ». Des collectionneurs qui aiment se balader dans les vide-greniers pour dénicher l’objet qui a de la valeur, souvent ignorée par son propriétaire. Les tunisiens préfèrent l’achat astucieux et savent qu’ils trouveront des prix plus bas dans ces vide-greniers que dans des commerces traditionnels. Pour les vendeurs, il s’agit également de se débarrasser du superflu en amassant un peu d’argent, même si la location d’un stand vaut entre 20 et 25 dinars selon les endroits alors que tout à fait au début confirme Imen Safraoui, le table se louait à 5 dinars. Mais actuellement « Sur une journée, il est possible d’avoir un bénéficie de 100 à 200 dinars ». Toutefois, les localités ont tout à gagner à accueillir ce genre de manifestations. Une belle occasion de retisser du lien social. Ces moments de convivialité redonnent un esprit de village à un quartier ou à une banlieue.
Une atmosphère qui plaît de plus en plus aux tunisiens, que fréquenter les vide-greniers est même devenu un loisir à part entière pour eux. Samir affirme même que ces manifestations ont un côté addictif et procurent des montées d’adrénaline : on est impatient de découvrir les stands, de fouiner pour trouver la perle rare.
Nadia Ayadi
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