Hammamet : La musique, l’art et le musée ne feront plus chambre à part!
En Tunisie, Il existe de ces espaces touristiques qui font de leurs murs des continuelles cimaises où surgissent des ambiances de galeries ou… de musées. Nous y reviendrons !
Parmi les collections artistiques privées dans le monde arabe, surgit celle de Mohamed Amouri qui se caractérise par la dimension esthétique dans le cadre d’une documentation historique. L’idée d’un musée imaginaire où seul le beau définirait l’œuvre à partir de son essence créatrice, avait été un doux rêve qui caressait l’esprit et le cœur de Mohamed Amouri né de sa passion dévorante d’acquérir des toiles.
L’idée hantait ses jours et ses nuits au point d’oser exposer son trésor artistique sur les murs d’Hasdrubal, un hôtel qui accueille des visiteurs du monde entier. « Exposer des œuvres artistiques dans un espace public tiendrait à démolir le mur qui séparait ce qui relève de l’inspiration de ce qui est concret. C’est à quoi rêvent les artistes eux-mêmes. Ces derniers créent une vie parallèle que Mohamed Amouri s’est employé à mettre à la portée de tous. Avec le temps, celle que chacun aimerait vivre ». Que l’on puisse vivre l’art, cette idée est devenue possible à Hasdrubal.
Dans son rapport avec l’art, l’espace jette une base particulière qui consiste à le faire valoir en le mettant en circulation pour que nul ne soit privé de la jouissance et des bienfaits du beau.
Depuis les années 70, la collection d’œuvres d’art de l’hôtel Hasdrubal n’a cessé de s’accroitre et de s’enrichir avec des œuvres issues de commandes directes passées auprès d’ artistes et de résidences d’artistes ou achetées dans des galeries d’art. La collection de l’Hasdrubal est le résultat d’une démarche de collectionneur averti, assisté par un fin connaisseur de l’univers artistique. Il s’agit de Ridha Laamouri, chargé de cette collection qui correspond à des choix et à des relations tissées avec certains artistes.
Après la collection nationale d’art plastique détenue par le ministère des Affaires culturelles, la collection de l’Hasdrubal constitue aujourd’hui, la deuxième plus importante collection en Tunisie. Elle représente des artistes de renommée régionale, nationale et internationale.
Des œuvres rarissimes, emblématiques et célèbres d’artistes tunisiens tels Néjib Belkhodja, Aly Ben Salem, Zoubeir Turki, Hatem Mekki, Ibrahim Dhahak, Ridha Bettaieb, Abdelaziz Gorgi….
« Une façon d’observer l’histoire de la modernité artistique en Tunisie, une histoire que l’on ne pouvait envisager à l’ombre de l’hégémonie exercée sur l’école de Tunis qui était une simple émanation française, selon l’avis de Ridha Lâamouri. « Ici, l’âme tunisienne se montre nue telle qu’elle est. Nul orientalisme ! », confie encore ce collectionneur passionné.
« Les artistes ont peint une vie dont ils ont vécu les péripéties. C’était leur opportunité pour atteindre la vérité. Dans le sac de chacun, beaucoup d’énigmes et de secrets à partager avec des Tunisiens amoureux de leur pays… Une Tunisie telle que ses enfants voudraient qu’elle soit. »
« C’est à quoi pensait aussi Mohamed Amouri quand il cherchait à mettre l’art tunisien à la disposition de tous… » confiait Farouk Youssef, critique d’Art et poète.
La collection est également riche d’artistes étrangers (Irakiens et algériens en particulier. Elle représente un véritable patrimoine national à sauvegarder et à valoriser. Cette richesse artistique mérite bien le nom de trésor national !
Cependant, malgré les soins apportés à cette collection, cette dernière ne bénéficie pas d’une présentation muséographique permettant sa conservation ni de pouvoir l’exposer comme elle se doit au large public. L’idée d’un musée surgit ! Oui un projet de l’hôtel-musée.
C’est dans une conviviale et sympathique conférence de presse menée par le journaliste et homme de culture Hamma Hannachi, que les responsables et initiateurs de l’idée ont présenté et échangé avec les journalistes présents sur les lieux. Des réflexions et propositions, pour offrir à la collection des conditions d’exposition et de conservation permettant de garantir sa pérennité en tant que patrimoine national, ont été relevées et bien notées.
Tel qu’il se présente actuellement, l’hôtel où trouvent refuge toutes ces œuvres, l’Hasdrubal Hammamet ne peut pas être considéré comme un hôtel-musée malgré la qualité des œuvres, des espaces et le fort potentiel touristique des lieux. Un travail de réaménagement muséographique s’avère par conséquent nécessaire pour muséaliser l’hôtel en lui conférant ce concept. Effectivement, grâce à cette fabuleuse collection, l’Hasdrubal dispose d’une opportunité inédite pour développer un projet novateur et exceptionnel. Ce nouveau concept d’hôtel-musée nécessite une réflexion approfondie et une étude minutieuse sur le sujet pour pouvoir atteindre l’assurance d’une haute qualité culturelle en termes de présentation, de médiation et une valeur ajoutée à l’hôtel-musée pour une clientèle exigeante. Muséaliser également l’hôtel pour en faire un modèle incontournable du tourisme culturel en Tunisie et valoriser la collection avec une communication plus judicieuse s’inscrivant dans la stratégie globale de l’hôtel selon un tandem : culture-tourisme. Un fructueux projet de partenariat public/privé pourrait également voir le jour.
Et c’est ici que Soumaya Gharsallah, muséologue présente lors de la conférence, intervient. Elle accompagne l’équipe de l’Association Hasdrubal pour la culture et les arts Mohamed Amouri. Elle paraît s’investir corps et âme pour accomplir cette passionnante mission.
En pénétrant l’hôtel, une douce sonorité nous gagne, une musicalité agréable surgit des murs, comme l’avait ressenti et affirmé un artiste étranger en visitant l’hôtel. Et ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd… Oui pourquoi ne pas intégrer aussi la musique? Une autre naissance dialoguera plus tard avec toute cette poésie muette se dégageant des toiles pour donner la parole à la bonne musique…
Raouf Amouri qui est né enveloppé d’art et sans doute né aussi avec une toile dans une main et un instrument de musique dans l’autre, « a suivi tout naturellement le chemin déjà balisé par son père.
Il a enrichi non seulement la collection avec son complice Ridha Amouri, un amoureux d’art et ancien galeriste, mais il a encore ajouté une corde à l’art de son père. Il a introduit une musique de haute facture dans l’hôtel. Une véritable scène pour les concerts de musique classique a été réalisée et un festival même fut créé portant le nom « Les Arpèges de l’Hasdrubal », une série de concerts était organisée en collaboration avec Cello Events. Des ensembles s’y sont produits, Laurent Jost, Roland Pidoux, Patrice Fontanarosa, Jean-Crylle Gandillet avaient présenté d’ailleurs des concerts mémorables en 2019 à qui s’était joint Patrick Poivre-d’Arvor qui récitait des poèmes de son choix. Hafedh Makni et son orchestre « Carthage symphony orchestra qui fait toujours sensation et où nous avons encore eu la preuve sur place en cette fin du mois de décembre 2021.
Aujourd’hui, l’objectif ou le défi des responsables de l’unité, est surtout de rendre les œuvres d’art et la musique intellectuellement plus accessibles au public de l’hôtel avec une ouverture sur l’extérieur telles l’école des beaux-arts et les institutions chargées des arts et du patrimoine public et local. Faire des lieux, un espace d’apprentissage, d’éducation artistique, de loisir et de délectation unique.
Un grandiose projet artistique en vue! Il s’étalera sur une moyenne de cinq ans avec une ouverture prévue durant la saison 2026-2027.
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