Le dernier lieu sacré de la Médina de Tunis, au profit d’une maison privé ?

 

Située à Bab Jdid dans la médina de Tunis, la Zaouia Sidi Ali Lasmar est un sanctuaire qui accueille le tombeau du Saint du même nom. Il représente le dernier lieu de la capitale dédié à la communauté du stambali, un héritage spirituel de la communauté noire de Tunisie. Il est également le siège de L’Association pour la Culture du Stambali Sidi Ali Lasmar, qui valorise et défend cette tradition sur le point de disparaître.

Le stambali est un art qui entremêle musiques, danses et chants traditionnels. Un rituel qui constitue un pont entre l’identité maghrébine et l’identité africaine héritée des descendants d’esclaves, retraçant l’histoire de cette minorité et s’inscrivant depuis de nombreuses générations dans le paysage culturel tunisien. Cette tradition spirituelle et artistique participe notamment à faire de la Tunisie une terre de tolérance et de mélange des cultures, de par la richesse et la singularité de son histoire.

Avec la disparition des derniers initiés, l’Association a pour mission de protéger leur mémoire et de laisser une trace de leur savoir aux futures générations. Par ses actions, l’Association participe à la vivacité de la médina en organisant de nombreuses manifestations culturelles auprès d’un large public et des amoureux de cette musique. Sidi Ali Lasmar est le dernier lieu sacré dans la médina qui valorise cet art ancestral auprès d’un public bien présent.

 

Alors que plusieurs acteurs de l’action culturelle et de la préservation du patrimoine tunisien réhabilitent la médina de Tunis, aujourd’hui, le stambali est menacé de disparaître. Ce sanctuaire est mis en vente par son propriétaire; celui-ci en avait bénéficié après avoir été cédé par l’État dans les années 70.

Avec la disparition de ce lieu dynamique et fédérateur, c’est avant tout une part de l’identité de cette minorité et de l’histoire de la médina qui risque de mourir mais aussi un espace culturel dédié et actif au cœur de la médina de Tunis. L’Association se mobilise pour alerter les institutions et l’opinion publique afin de sensibiliser le plus grand nombre sur sa prochaine disparition si aucune action concrète n’est menée.

L’Association demande la protection de ce lieu comme patrimoine matériel inscrit en plein cœur de la vieille ville de Tunis mais également comme patrimoine immatériel qui raconte l’histoire et l’héritage de ces communautés ancrés dans la culture et les traditions tunisiennes contemporaines.

Le Stambali, l’héritages des noirs en Tunisie

Il s’agit d’ un rituel sacré et d’une tradition musicale qui prend sa source en Afrique Subsaharienne et principalement au Niger. Il s’est répandu en Tunisie avec les populations amenées en esclavage pendant la traite trans-saharienne. A l’instar des Gnawa du Maroc et du Diwan algérien, ce culte mystique et thérapeutique reflète l’héritage spirituel de ces communautés et plus largement de l’identité afromaghrébine de ce territoire.

Mélange entre rituel des esprits africains et le culte populaire des saints musulmans, le stambali est devenu une tradition confrérique dans la Tunisie contemporaine. Le Stambali est une cérémonie où la musique nous entraîne dans l’univers du Guembri qui encense le public jusqu’à la danse. Le répertoire musical célèbre les esprits bienfaisants et évoque l’histoire de l’esclave en Tunisie, des protagonistes et des grandes familles tunisiennes qui ont participé à son développement. Ce patrimoine est le reflet de deux cultures qui se sont mélangés pour inventer un art L’histoire du Stambali raconte l’héritage spirituel de la communauté noire tunisienne au travers des chants et musiques joués au cours des cérémonies.

À travers toute la Tunisie, quelques dernières maisons dédiées au Stambali font perdurer cette tradition en faisant découvrir au public des expressions artistiques qui trouvent leurs racines dans la mémoire du continent africain.

La zaouia Sidi Ali Lasmar est le dernier lieu où la communauté célèbre cette mémoire pour la transmettre aux nouvelles générations. Depuis des décennies les troupes de stambali de Tunis et particulièrement celle de Sidi Ali Lasmar, organise des concerts et des évènements culturels pour valoriser ce patrimoine.

Un patrimoine immatériel menacé en Tunisie.

A l’abolition de l’esclavage en Tunisie, Le Bey Ahmed 1er à créé quatres maisons pour que les anciens esclaves puissent se retrouver : Dar Koufa, Dar Jemaa, Dar Barnou et Zaouia Sidi Ali Lasmar. Depuis plus de 900 ans, ce dernier est le seul lieu qui abrite le tombeau d’un saint à la peau noire, ancien esclave devenu saint, dans la vieille ville.

Sidi Ali Lasmar est devenu le lieu symbolique qui raconte la présence de cette minorité en Tunisie et dans lequel les membres de la communauté se rassemblent pour célébrer leur tradition.

Chaque année de nombreuses processions s’y déroulent pour vénérer le saint de la médina et les esprits africains. Le sanctuaire Sidi Ali Lasmar est aujourd’hui le dernier lieu sacré de la communauté du stambali à Tunis. Celui-ci est menacé de disparaître faute de protection par les institutions publiques comme patrimoine national et les principaux officiants du rituel disparaissent petit à petit. Ce lieu sacré accueille les visiteurs venus célébrer le saint Sidi Ali Lasmar et perpétuer l’histoire de cette culture.

C’est dans cette maison que les anciens organisaient leurs cérémonies et que Riadh Ezzawech, un des derniers représentants du stambali, tente de préserver cette tradition. Chaque année, il ouvre la maison au public pour assister aux cérémonies sacrées du rituel. Cette maison fait partie de l’histoire de la médina et participe à la vivacité des échanges qui construisent l’identité de ce territoire.

Aujourd’hui, ce lieu d’échange et de mémoire a pour projet d’être vendu pour en faire une maison privée. Avec elle, le stambali risque de mourir en perdant son dernier lieu symbolique et, avec lui, tout un pan de ce patrimoine unique qui fait la spécificité de la Tunisie.

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