L’amour du pouvoir et le pouvoir de l’amour de « La Mejda et du Zaim »
« L’amour du pouvoir, pouvoir de l’amour » et aussi l’écriture du pouvoir et le pouvoir de l’écriture de Maher Kamoun « La Mejda et le Zaim ». Un livre d’une grande force, non seulement par ses 680 pages, mais aussi par la force qui nous rend émus, joyeux, tristes ou perplexes. L’auteur décortique avec élégance et finesse l’âme humaine pour faire voyager le lecteur au plus profond de lui-même.
Difficile de ne pas être balzacien lorsque l’on écrit sur le premier président de la République tunisienne. Cet homme, issu d’une famille modeste et qui s’imposera par sa volonté sans faille d’être le Grand Timonier de la Tunisie nouvelle.
Contrairement à d’autres biographies quant à l’ancien président, écrites par des plumes talentueuses mais parfois partisanes, l’ouvrage de Maher Kamoun nous offre un recul appréciable sur le personnage de Bourguiba et de son couple. Tout en étant fasciné par l’homme politique, l’auteur évite la tentation propre à certains biographes, de vouloir refaire l’Histoire.
L’auteur ne se contente pas d’explorer l’histoire du couple Bourguiba, mais il la met en perspective avec le contexte social et politique de l’époque. Personne n’envisageait réellement qu’il y ait de nouvelles choses à ajouter sur le couple présidentiel qui n’aient pas encore été sues. Mais seul le talent de l’auteur a pu prouver au public qu’il se trompait..
On ne se méfie jamais des auteurs ! Pour n’avoir pas à courir derrière une mémoire qui n’a jamais cessé de le fuir, Maher Kamoun prenait depuis toujours des notes.
Alors que le règne de Bourguiba était arrivé au couchant d’une époque terminée, il lui a semblé qu’il était temps de vider ses carnets.
Il ne les avais pas sans doute écrits pour qu’ils restent rancir au fond d’un tiroir mais parce que l’écriture qui mène entre autres ses pas, consiste à faire la lumière sur tout.
Ceci n’est pas une biographie au sens propre, mais plutôt l’histoire d’une tragédie personnelle, devenue, à la fin, une tragédie nationale.
C’est cette histoire que l’auteur a voulu raconter. Une histoire bien tunisienne.
Pourtant « Le Zaïm Bourguiba et Wassila Ben Ammar n’avaient rien de commun. Leur origine, leur milieu social, leur niveau d’instruction et même leur caractère étaient bien différents. A la date de leur rencontre fortuite en pleine Seconde Guerre mondiale, rien ne laissait présager qu’ils allaient s’unir pendant plus de quatre décennies.
A cette date du 12 avril 1943, Bourguiba s’était senti comme ensorcelé par cette jeune dame qui d’un coup, l’avait arraché de ses soucis et de sa grande inquiétude face à la gravité de la situation dans le pays.
Bravant tous les interdits, Wassila Ben Ammar l’avait suivi dans sa dérive amoureuse. Depuis et malgré son statut de femme mariée et mère d’une enfant, elle avait décidé de partager avec lui ses projets, ses ambitions, ses moments de bonheur et ses déboires. Le chemin qu’elle avait choisi n’était pas pourtant facile et était plein d’embûches. Il exigeait d’elle, beaucoup de patience, de la constance et surtout du courage.
Intelligente, ambitieuse et sachant ce qu’elle voulait, la jeune dame avait parié sur cet homme hors du commun, qui, déjà à l’époque, avait acquis ses titres de gloire. Son avenir lui paraissant bien tracé et n’avait qu’à le suivre, « j’en sortirai gagnante », devait-elle penser à l’époque.
Deux décennies après cette rencontre « historique », le « couple adultérin » s’unit à jamais … pour le meilleur, plutôt que pour le pire !
Se plaisant dans son rôle de première dame, Wassila Ben Ammar, appelée depuis la Méjda, se transforme progressivement en véritable « référent ». Elle envahit tout l’espace présidentiel et devient par la force des choses très influente. Joignant l’intelligence à l’habilité, elle trouve toujours le mot, le geste, ou la réplique qu’il faut pour réconforter son mari, le calmer ou pour flatter son ego.
Après l’alerte cardiaque que subit le Zaïm, Wassila fait barrage à tous ceux qui veulent se placer dans la sourde guerre d’usure pour sa succession. Elle fait preuve d’une habileté manœuvrière sans pareil et n’hésite pas à s’allier dans le secret même avec ses « ennemis jurés ».
Au fil des années, la santé du Président se détériore et l’ambition de son épouse s’aiguise. La Méjda va désormais tenir les commandes du pouvoir au cœur même du sérail, puis avoir le loisir de régenter librement le pays, sans jamais en assumer les conséquences. Elle dicte sa volonté en toute autorité et gare à celui qui ose manifester la moindre réserve.
A l’époque, personne ne pouvait prédire ni même imaginer que l’union sacrée par le mariage du couple présidentiel, allait un jour se défaire !
Mais, usé par le pouvoir et fortement éculé par la maladie, puis soumis à l’influence d’un entourage malveillant, le Président devient hélas l’ombre de lui-même. Ayant perdu ses repères, il décide dans un moment d’égarement de se séparer de son épouse bien aimée. La belle aventure amoureuse de quarante ans qu’il a souhaité inscrire dans l’histoire, s’achève ainsi sans raison !
La mort le rattrapera lui et sa dulcinée, une quinzaine d’années plus tard, à neuf mois d’intervalle. » affirme l’auteur sur la quatrième de la couverture. « Il y a des larmes d’amour qui dureront plus longtemps que les étoiles du ciel » disait Charles Péguy !
Pour en savoir encore plus, ne ratez pas cette belle histoire dans un livre qui a été salué par le public comme un ouvrage de référence. Il est disponible dans toutes les bonnes librairies.
Nadia Ayadi
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