Hayet Meddeb Guesmi, Sa vie de drame en couleur
La notion de souffle dans ses créations qu’elles soient en proses, poétiques ou picturales, sont comme une source d’énergie dans un parcours rythmé par les drames de Hayet Meddeb Guesmi, qui comme le disait Victor Hugo que le drame est la troisième grande forme de l’art. L’artiste est née à Béja dans un parfum de blé et dans ce grenier de Rome…
L’accident de voiture fatal de son frère préféré et compagnon de route Rafik, roulait en catastrophe de Béja à Tunis pour accompagner sa sœur qui allait donner la vie. Cet accident avait réveillé tous les souffles…« Il est mort, il est mort…», terrible répétition qui doublerait, tel un écho, la voix entendue alors qu’elle donnait la vie à son premier fils dans la double douleur d’un accouchement. Rafik le frère était enfin là, mais dans un dernier souffle fatal, il avait projeté le nouveau née à la vie. Il s’appellera Rafik. Ce drame avait plongé Hayet Meddeb Guesmi dans ce qu’elle appelle « ses trous noirs ».
Cet accident premier, reviendrait-il, comme un leitmotiv dans la série d’accidents qui ont jalonné sa vie et dans ces rêves qui hantent encore ses nuits. La mort de sa mère, de son père, de son fils et de son époux a encore projeté l’artiste dans une destinée artistique autodidacte d’exception qui se distingue par une volonté de pénétrer dans le mystère de sa philosophie, de ses écrits et de sa peinture. Ses créations volent dans tous les sens pour échapper à la souffrance, à la lassitude et jeter sa douleur dans ses poésies et sur ses toiles. Loin d’elle l’idée de faire de ses réalisations artistiques un système. Sa peinture par exemple, se renouvelle continuellement, aussi imprévisible que la vie et toujours disponible à l’appel de l’art pour un autre élan de cœur créatif.
Quand des cauchemars la réveillent et l’empêchent de retrouver le sommeil, elle se lance alors dans une autre manière d’organiser ses écrits, ses toiles ou poésies.
Ses œuvres ressemblent à un ensemble de toiles comme autant de respirations habitées par une même idée, mais dans leur rythme s’entend la musique de la vie. Une vision de l’extérieur vue de l’intérieur, un voyage de l’esprit dans un monde vivant où le rêve n’est pas loin.
Sa peinture danse dans un flot continu de mouvements, de gestes qui se brisent, s’effacent et se révèlent en une peinture instinctive, dans un berbère naïf ou abstrait presque sauvage. Hayet Meddeb Guesmi peint, des vibrations colorées comme autant de réactions spontanées. Nourrie de ses expériences, elle nous donne à voir aujourd’hui un travail sensoriel qui s’appuie sur une circulation entre la création et la remémoration du souvenir, entre le travail et l’accident de la matière. Chaque tableau est chargé d’un mystère, d’une histoire propre à l’artiste qui narrera toujours sa vie avec ses morts et ses vivants. Son histoire qui émerge du silence de la détresse et de la révolte contre le destin qui ne lui a pas fait de cadeaux à part l’art qui lui a été salvateur.
Nadia Ayadi
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