Kmar Fendri, une centenaire qui a brisé les tabous, sa fille lui rend hommage 

 

Voici une femme que nous ne connaissions pas peut-être et qui pourtant mérite fort d’être connue !  Kmar Fendri est la preuve que le talent n’a pas d’âge. Elle est née à Sfax le 7 septembre 1924 et obtient son premier diplôme de fin d’études primaires, en 1937 !

Mariée très jeune à Boubaker Mezghani, un notable aux grandes valeurs humaines, ils formaient un couple aimant, solidaire et si bons vivants. Kmar Fendri s’était entièrement consacré à l’éducation de ses six enfants. A plus de 70 ans, elle fait rejaillir un incroyable don pour le dessin et la peinture qui sommeillaient en elle sans doute depuis toute petite.

C’est le professeur Mohamed Ben Ayed qui, en 1997, découvre le talent de cette septuagénaire inconnue . Elle intègre alors l’Espace des arts de Sfax où elle consolide son don par une formation de peinture. « Depuis,  la lune d’en haut a eu son pendant sur terre ».

Une nouvelle Kmar où plutôt une étoile est née ! La vocation s’éclate et les toiles coulent, se suivent et ne se ressemblent pas. Elle immortalise les gestes du quotidien en faisant ressortir l’émotion de ces scènes empreintes d’humanité.

Kmar s’adapte avec une facilité inouïe aux différentes techniques picturales. Rien ne lui échappe et arrive à maitriser non seulement la peinture mais aussi la gravure, la sculpture, le vitrail et le dessin académique.

On se dispute ses œuvres et « on acclame ses prouesses et on salue ses progrès », affirme Mohamed Ben Ayed en confiant que « plus elle peint, plus elle rajeunit, embellit, bourgeonne et fleurit ! ».

Une véritable aisance à manipuler les pinceaux « et surmonte les problèmes techniques les plus contrariants».

Tout ce qu’elle touche, devient vedette « aussi bien les copies de Maîtres que les recherches personnelles ».

Merveille après merveille, l’entourage et les amis sont émerveillés ! On s’arrache ses productions ! Son époux, si fier, veillait comme personne sur cette évolution artistique hors du commun et commença même à l’accompagner  au club de peinture. « Il l’attendait patiemment (ou impatiemment), admiratif, comme un fidèle fervent dans un coin, pour la raccompagner après ses séances vespérales… ».

L’acharnement et l’endurance font progresser plus que jamais Kmar Fendri sous le regard bienveillant des artistes de l’Espace des Arts, tels Ahmed Masmoudi, Abdelaziz Hsairi, Mohsen Khalaf et bien évidemment Mohamed Ben Ayed.

Kmar peint de plus belle, les fleurs, les paysages, les portraits… Elle s’inspire du Ingres, de Van Gogh, Modigliani…

Elle offre généreusement ses œuvres ce qui leur permet de voyager dans le monde. Comme prise dans un piège salvateur après la disparition de son formidable époux et ange gardien, Kmar comme l’aurait sans doute souhaité le défunt,  ne peut plus s’arrêter de peindre.

Sa peinture se transforme désormais en refuge et en une thérapie pour surmonter la douleur de l’absence. Au fil du temps, Kmar se sent malgré tout désorientée, affaiblie et l’ange gardien n’est plus là pour la rendre plus forte. Elle perd ses moyens et en prend conscience sans pour autant perdre son amour pour feu Boubaker Mezghani ni  l’amour pour la peinture.

Il aura fallu attendre 2023 et à  99 ans pour que ses enfants et plus particulièrement sa fille Latifa Mezghani lui rendent  un hommage émouvant.  le grand public découvre alors ses toiles vivantes et colorées au cœur de l’Espace Hassouna Kammoun à Sfax. Un ouvrage rassemblant la majorité de ses œuvres intitulé « Pleine lune », vient d’être publié pour fêter l’évènement. Kmar Fendri était présente resplendissante, heureuse d’être entourée de ses enfants, de ceux qui l’aiment et surtout si fière de son histoire artistique.

 

Sa fille Latifa Mezghani Sahnoun qui s’était également inscrite dans l’Espace des Arts, rien que pour encourager sa maman à reprendre les pinceaux et tenter de la sortir de « son abattement », confie « Je me suis inscrite et décide d’apprendre à mon tour à peindre guidée par le professeur Mohamed Ben Ayed.  Une façon de lui rendre hommage… Bravo Kmar, je suis tellement fière de toi, mon adorable maman. Nous avançons tous à la lumière de tes couleurs… » ».

Kmar Fendri est aujourd’hui citée comme exemple d’une personne ayant entamé une carrière artistique à un âge avancé et qu’il n’est jamais trop tard pour rattraper le temps perdu.

L’étoile Kmar est presque centenaire aujourd’hui et elle continue encore de briller.

Nadia Ayadi

 

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