Une première en Tunisie : Un circuit culinaire de l’huile d’olive à Sfax

Les oliviers et l’huile d’olive font partie intégrante de la culture et de l’identité de la Tunisie et plus particulièrement de la région de Sfax. Nous étions au cœur de décembre en pleine traditionnelle récolte des olives. Dans le bus et lors de notre circuit avec Sfax Oléo Tour, la couleur verdâtre des oliviers peint le paysage naturel et agricole. Saviez-vous que la région de Sfax est l’un des plus grands producteurs d’huile d’olive dans le pays estimé à plus de 521 000 hectares. Une véritable forêt oléicole de dix millions de pieds d’olivier avec 30% de la production nationale de l’huile d’olive, 440 unités de production d’huile d’olive et dérivés. Et c’est ici que sont produites certaines des meilleures huiles d’olive au monde !

L’oliveraie de la région de Sfax est caractérisée également par son histoire, par l’ancienneté de la plantation des oliviers et son expansion, par la qualité du sol dont la plupart sont utilisés pour l’agriculture en raison de son sol sablonneux dans certaines zones et pétrifié dans d’autres. La dominance du climat sésame qui y est pour beaucoup car il se se caractérise par un manque de pluie et sa rétention dans certains cas, durant une longue période, ce qui est compatible avec les plantations pluviales, notamment les oliviers.

L’huile d’olive est un véritable jus de fruit gorgé d’un trésor de bienfaits. Il est à la base des régimes méditerranéens fortement présents dans la gastronomie sfaxienne. En effet, c’est un ingrédient essentiel dans toutes les recettes.
Parcourir le circuit culinaire de l’huile d’olive à Sfax, c’est faire l’expérience des saveurs, connaître les traditions et l’histoire liées à la production d’huile d’olive, mais c’est aussi apprendre à connaître les différentes régions, leurs paysages,  leur patrimoine culturel et leurs  formidables habitants.

Il est à peine 17h30 et il fait déjà nuit lorsque nous arrivons le premier jour de ce 11 décembre 2023 dans le merveilleux gite rural de Lella Aïcha en pleine campagne à Sfax.

Une excellente façon de commencer la route de l’huile d’olive est de commencer notre escale, à « Dar Lella Aicha,  un  charmant gite rural en pleine campagne et verger biologique, pas loin des salines de Thyna et géré par Néjia Rhaiem qui nous a éblouis par la beauté de son âme, sa douceur et sa générosité.

Nejia et son frère Habib nous accueillent avec un sourire franc et amical. Une table colorée est dressée avec des jus frais d’amande et citron. Des assiettes en poterie remplies d’huile d’olive vierge, de la « Laklouka », à base de raisins, de sorgho et de fruits secs. De l’autre côté, une autre table où mijotaient dans de l’huile de la viande et merguez séchés faits maison accompagnée d’œufs frais de ferme. Et ce n’est pas tout !  Une troisième table universelle avait réunie et impressionnée tunisiens et étrangers chercheurs et experts en huile d’olive. Des différentes délicieuses spécialités sfaxiennes étaient servies malgré un estomac saturé ! La soirée était conviviale dans cette fusion de différentes nationalités jusqu’à une heure tardive mais le sommeil a été paisible, profond et parfumé d’olive. Le réveil du coq le lendemain était comme une douce musique !

Néjia s’était levée la première pour un très bon café devant une table dressée pour le meilleur petit déjeuner. Son frère Habib est arrivé aussi frais que son sac de mandarine au parfum unique à peine cueillies! Mais le départ vers une autre escale nous a réveillés un peu de ce bien-être. C’est que Nozha Grati, responsable du projet Sfax Oléo Tour et son coordinateur Sami Smaoui sont bien ponctuels pour les escales suivantes. En effet d’autres escales  nous attendent bien avant  celles de la plus moderne des huileries.

A Sfax, bien que le secteur oléicole ait subit une grande modernisation qui a touché tous ses maillons notamment la transformation, les méthodes d’extraction de l’huile d’olive par des procédés traditionnels, sont devenus  évidement bien rares mais persistent encore dans les profondeurs des zones rurales. Ce procédé ancestral, nous l’avons découvert dans le gite Ali Feki pour une démonstration matinale d’extraction, réalisé par des femmes rurales de la région. Les deux femmes aussi natures que leur leurs olives brillantes, ont procédé devant nos yeux admiratifs, au broyage à l’aide de deux pierres centenaires  en granit et à malaxer la pâte obtenue afin de faire éclater les vacuoles qui sont les cellules de graisse de la pulpe.

Cette méthode est héritée par des siècles de traditions. Elles confient que ce procédé est appliqué d’une manière à respecter le comportement de l’olivier. En effet, ce système d’extraction à froid, là où les risques de surchauffe sont inexistants représente un système très favorable pour l’extraction des huiles d’olives de très bonne qualité. Cette méthode  avait dégagé une huile qui avait étonné les présents par sa saveur exceptionnelle.  Les nominations sont multiples « Ajmi, Ndhouh, Tfouh..  » toutes sont valables et correspondent à différentes phases de la transformation. Ali Feki, ce fils de l’olivier et de l’amandier,  nous a ensuite narré toutes les phases historiques de la production d’huile d’olive, de l’utilisation de l’énergie humaine et animale à l’hydraulique et à la mécanique.

Dans la soirée, nous avons découvert les créations d’Ovarti en bois d’olivier et savouré un dîner exquis. La soirée a été animée avec une « Jelwa party », où la jeune et belle épouse de Sami Smaoui le coordinateur du circuit avait joué le rôle des mariés de Sfax. Le souvenir de leur mariage en 2017 qui a été consacré meilleur mariage en Tunisie avait fait ressurgir ce merveilleux moment mettant en lumière la culture riche et vibrante de Sfax. Taha, le chercheur d’Ankara appréciait la cornemuse qui lui rappelait le patrimoine turc.

 

A l’aube, Jamila, un petit bout de femme aussi sympathique qu’amicale que son époux Ali Feki, était en train de nous préparer le meilleur des petits déjeuner.

Le  côté tunisois de Jamila a fait qu’elle avait tenu entre autres à présenter un succulent « lablalabi », arrosé de l’incontournable huile d’olive « Ndhouh » qu’elle venait de récupérer chez les femmes au dehors qui étaient encore en train d’extraire le précieux liquide. Jamila la douce épouse de Ali Féki voulait  nous faire goûter à tout prix sa recette au risque de nous retarder devant l’appel insistant de Nozha et de Sami et nous répéter que circuit n’est pas encore achevé. Le couple Feki ne voulait plus quitter les convives et nous ont accompagnés jusqu’au bus où Jamila s’était installée quarément au volant comme pour empêcher le chauffeur de partir.

Arrêt devant la plus ancienne huilerie de Sfax datant de 1820, celle de Hamed Kamoun, où histoire et tradition se sont mêlées à la production d’une huile d’olive parfumée et où la saveur se dégageaient dans nos palais avec du bon pain de semoule dégusté dans le bureau même du propriétaire.

Un espace rempli d’histoire familiale, de photos, d’objets centenaires tels ces récipients ou tasses. Un tourne-disque toujours fonctionnel diffusant des airs du patrimoine sfaxien enveloppait l’espace. Hamed Kamoun était si fier de nous confier que son huilerie est un héritage transmis de père en fils.  En lui posant la question si ses propres fils allaient prendre la relève, il répondit qu’il n’avait que deux filles. Je lui avais dit « Pourquoi pas les filles ? Elles pourraient aussi prendre la relève. » Hamed Kamoun  confia  un peu le cœur serré mais avec fierté, que malgré tout  ce serait  difficile, car ses deux filles ont fait des carrières médicales et sont déjà médecins à l’étranger.

La Dose Et D’mi, la recette secrète de Dalenda

Direction Dose Et D’mi, où nous avons  pu assister  et participer à la préparation de la « Laklouka », de la belle Dalenda, fière de nous dire que la recette est celle de sa mère en nous révélant le secret qui fait la différence.  Il s’agit du plat phare de Sfax avec la « charmoula » à base d’oignons rouge de de raisin secs également.

La journée s’est poursuivie avec un véritable voyage dans le temps où l’italienne Loriana s’est un peu sentie chez elle lors des différents sites romains à proximité des campagnes qui longent la mer et sur la fabuleuse histoire de Sfax.

Un déjeuner mémorable a été partagé à la Résidence Al Kahina, où nous avons savouré presque dévoré avec appétit, un savoureux couscous aux poisson, révélant les saveurs authentiques de la région.

Un champs, des constructions et des jeux écologiques

Que dire de cet espace écologique d’exception à Menzel Chaker à 40 km de Sfax ? Un paradis sur terre où tout n’est que nature, nature et encore nature ! Escale à « Amber Park » du propriétaire Sofiane Rebai. Avant un dîner au feu de bois, un atelier de céramique sans tour fait main, a été organisé par les trois sœurs de « Sof Sellami ».

Isabel la croate, Loriana l’itialienne, Taha le turc, Mohamed le marocain, Edouard le français, Nozha,  Lamia, Hamma, et moi-même avons mis la main à la pate pour réaliser nos premières œuvres sous les yeux attentifs des trois sœurs Sellami.

Sofiane et son épouse,  des personnes aussi nature que leur terre remplie d’oliviers et des pins qui supportent des cabanons en bois d’oliviers. Ces cabanes invitent à la détente dans une belle tranquillité. Uniques dans le pays, elles sont isolées et chauffées comme dédiées aux amoureux du monde.  Un lieu cosy en pleine nature, niché sur un pin qui bénéficie d’une bonne rusticité  surplombant les champs d’oliviers.

A l’intérieur le confort est là avec de larges matelas aussi larges que les baies vitrées pour profiter de la vue même allongé. l’éclairage offre une ambiance bien romantique. Et si on aimerait préservez une intimité,  le propriétaire a pensé à tout ! des paniers repas sont servis en effet, grâce à un système de cordes et poulies. Nous sommes repartis après un bon petit déjeuner toujours aussi original avec une huile d’olive succulente toujours présente, l’esprit détendu, les yeux remplis d’image et le corps remplis de vertus, nous reprenons le bus pour une autre direction.

La modernité a pris le relais dans  l’huilerie Dar El Khairat ou Dear Goodness ou les techniques sont bien avancées pour l’extraction d’une huile d’olive de qualité.

Sous une chaleureuse tente, Halima et Fatma au cœur de cette nature nous ont enchantés avec leurs produits de beauté à base d’huile d’olive. Nous avons revu ces deux jeunes femmes à bord du Loud qui nous transportait à Kerkenah. Elles étaient venues de la campagne de Sfax jusqu’au Loud, en mobylette. Des femmes battantes, si attachantes et bien déterminée. Halima n’avait pas omis de nous offrir des petits savons à l’huile d’olive en forme de coquillage et de poissons. Nous étions si touchés par ce geste.

A Kerkenah, à l’histoire exceptionnelle toujours actuelle, une pause savoureuse où  un couscous au poulpes,  le meilleur du monde de l’incontournable Najet la magnifique, qui gère « Le Régal ». Un véritable régal !

Une visite au Musée du couple Narjess et Abdelahmid Fehri,  qui a été construit par son propriétaire avec amour et passion, pièce par pièce avec de la récupération dans un ancien quartier face à la mer. Ce musée est privé et l’unique de Kerkennah dans le village d’El Abbassia sur l’Ile de Chergui.

C’est ici que quelques invités de Sfax Oléo tour avait passé la nuit car le musée est aussi chambres d’hôte appelé aussi Dar El Fehri. Le maître des lieux placé Abelhamid El Fehri et sa douce épouse si souriante, si accueillante étaient si contents de nous recevoir.

Ils nous ont enrichis par leur connaissance du patrimoine rassemblés, classés et conservés.  Nous étions impressionnés par ces objets insulaires anciens, ethnographiques, artistiques et civilisationnel.

Nous avons appris que ce  Musée est aussi sous l’égide du Centre Cercina pour les recherches sur les îles méditerranéennes dirigé par  Abdelhamid El Fehri.

Après un merveilleux coucher du soleil et prises de photos pour éterniser ce moment magique, nous nous sommes dirigés vers « Manaret », une autre maison d’hôte dirigée par Rahma Ben Hamida et ses deux fils qu’elle a sauvé du chômage.

Encore une battante, une ex enseignante qui continue de travailler au quotidien devant les fourneaux avant d’aller pêcher du poisson devant chez elle. « J’ai loué un morceau de mer devant chez moi ». Il est à noter qu’à Kerkenah, les « charfia » délimitent les parcelles maritimes propriétaires possédant des titres au même titre qu’une parcelle de terrain.

La pêche à la charfia témoigne de l’intelligence ancestrale à respecter la mer et ses ressources, d’en tirer avantage tout en en préservant la pérennité et la saine reproduction. Une singularité locale à être propriétaires de lopins de mer, seule richesse disponible en abondance.

Halima avait préparé pour ses hôtes un barbecue de poissons de sa pêche du jour à la saveur bien particulière. Isabel, une croate, journaliste de voyage attablée avec nous avait confié que ces délicieux poissons avait le goût de la mer ! Durant la soirée, la surprise a été double avec le fameux « Tabal Kerkenah » chantant le patrimoine de l’île et cerise sur le gâteau, la fabuleuse Halima a été convertie en conteuse d’histoire aussi croustillantes les unes que les autres. De véritables leçons de vie ont été contées avec un don de narratrice innée !

Tard dans la soirée, nous nous sommes endormis comme des enfants la tête pleine de belles histoires, les uns sur place, les autres ont été passer la nuit à « Dar El Fehri ». Pas de jaloux, la mer étaient là de tous les côtés. Au levers du beau soleil illuminant d’argent la mer, nous avons eu droit les uns chez Halima et les autres chez Narjess aux authentiques petits déjeuners locaux.

Nous avons aussi découvert le champs des huiles  Zayatine extra biodynamique. De l’ingénieur agronome M. Mâazoul, qui nous parle de ses oliviers comme s’il parlait d’êtres humains.  A la question de savoir ce que voulait dire « biodynamique », il confia qu’il avait adopté désormais ce  terme et concept qui désignent une vision philosophique de la nature. Etant lui et son adorable épouse, tous deux adeptes de l’alimentation et de l’agriculture biologique. Tous les produits sans pesticide ni fertilisant sont soumis aux cycles de la lune et nourris par le silice «  nous devons suivre la bonne conduite de l’arbre et observer l’olive, tranquille dans sa branche … ».

Après la généreuse table de « Kmamen, ou bsissa » , d’huile d’olive, d’eau colorée et riche de précieux Safran, ce merveilleux couple nous offre des  radis, des tomates cerises, des navets, des blettes, des roquettes… et bio s’il vous plait !  Que dire pour remercier ce merveilleux couple de la terre, de la lumière et de la lune ? Merci à ces êtres si lumineux !

Et que dire aussi de cette fin d’après midi dans le Centre Mahassen marquant la fin de ce séjour bien huilé et inouïe? C’était la cerise sur le gâteau ou plutôt l’olive sur les produits Mahassen.

Un accueil plus que chaleureux a été ressenti dans le plus grand centre de beauté d’Afrique. Nous étions comblés par cette personnalité hors du commun de la maitresse de lieux Mahassen Keskes Jmal ! A l’entrée tout était là ! Le sourire du staff, la musique, l’eau de rose parfumant les mains, l’espace et les jus frais accompagnés du top de la pâtisserie sfaxienne. Un bain maure et des massages relaxants aux crèmes parfumées à l’huile d’olive étaient offert à tous les convives surpris par tant de gentillesse et de  générosité.

 

Nous avions tous passés la dernière nuit encore une fois dans le gite de Lella Aicha, accueillis continuellement par le sourire de Néjia et Habib le sympathique frère autour d’un excellent dîner. Nous nous sommes endormis un peu plus tôt car nous devions quitter les lieux à l’aube  le lendemain pour le retour à Tunis. La voiture de Firas Charfi, l’adorable chauffeur, était là depuis 4 heures du matin. Néjia s’était levée bien avant pour nous préparer son habituel bon petit déjeuner. Elle est si maternelle qu’elle nous avait même préparé une collation pour la route ! Quel séjour incroyable !

 

Le temps d’un rêve  dans les champs d’oliviers, un battement de paupière qui nous fait réaliser que les délicieux moments touchaient à leurs fins…des personnes et des compagnons de route  qu’on a eu peine à quitter. Lors de la réunion finale avec tous les acteurs, on nous invite à prendre la parole, Hamma Hannachi, notre collègue et ami donne son avis sur le circuit pour remercier «   l’arbre qui nous a réunis et je cite un passage de Erri de Luca,  Il y a des forces, dans la nature, qui passent du bas vers le haut. Par exemple le feu, ou la plus belle des figures qui pousse vers le haut : l’arbre, qui du fond de la terre, commence à monter et à organiser son espace en plein air vers le haut » Pendant ce long ou court séjour à la fois.  « Comme l’arbre et le feu, nous sommes partis vers le haut pour gagner de brefs instants de vie sur l’ici-bas. »

Des rencontres avec des femmes, des hommes, comme l’avait  encore  dit  Hamma Hannachi très sensible aux «  héros du quotidiens, fiers de leur terre, de leur travail et l des jeunes entrepreneuses qui sourient à l’avenir sans se soucier  des lendemains qui déchantent »

Premier en son genre, le circuit mettra en valeur sans aucun doute  les métiers artisanaux en relation avec l’Olivier, son bois et un tourisme alternatif d’exception.

Reportage réalisé par Nadia Ayadi

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