Tunisie : Se nourrir à travers l’histoire à Lamta

Le colloque international qui aura lieu à Monastir les 9, 10 et 11 mai 2025 avec une visite de la ville de Lamta, est prévue dans le cadre de la foire des produits du terroir.  Organisé par l’Université de Manouba. Une exquise rencontre à la Maison de la Culture de Lamta  sous le thème « Nourrir, se nourrir à travers l’Histoire », se promet d’être délicieux. Pour en savoir plus, Habib  Ben Salha, du comité  scientifique, littéraire et de l’organisation,  nous accorde cet entretien d’avant-goût.

L’histoire des goûts n’est pas inconnue chez vous Habib Ben Salha…

La longue histoire des goûts, des traditions, des rituels, des découvertes, des manières de se nourrir a été traitée par l’anthropologie, l’ethnologie, la sociologie, la géographie, la littérature, la linguistique… L’alimentation n’est plus un sujet anecdotique.

Manger devient un acte culturel ?

Manger, cet acte qui pourrait sembler banal constitue désormais une pratique culturelle, patrimoniale dont la compréhension est un seuil idéal pour saisir l’organisation, l’évolution et les métamorphoses d’une communauté.

Quels rôle jouent les pratiques alimentaires ?

Les pratiques alimentaires jouent le rôle de marqueurs identitaires et occupent une place centrale dans le processus de différenciation sociale. Flandrin et Montanari ont proposé un autre angle pour prolonger l’apport de la socio-anthropologie. Dans leur ouvrage consacré à l’Histoire de l’alimentation, ils ont armé « la centralité de leur objet de recherches, sa position stratégique dans le système de vie et de valeurs des diverses sociétés, la possibilité, donc, de partir de ce lieu central, d’embrasser d’un coup d’œil toutes les variables possibles. »

D’après vous l’alimentation peut-elle nous apprendre sur l’homme ?

L’alimentation nous apprend autant sur l’homme que les faits historiques. Au fil des siècles, les cueilleurs, pêcheurs, paysans, nomades, voyageurs, géographes, médecins, chercheurs ont arraché de nombreux secrets à la nature. Cela a donné combien de cultures ! Aux temps préhistoriques, l’aspect carné de la nourriture a été vérifié par des spécialistes grâce aux nouvelles technologies et aux études des restes fossiles. On constituait déjà des provisions hivernales à partir de chair salée ou fumée. L’élevage puis l’agriculture vont marquer les temps néolithiques. On passe d’un mode de vie fondé sur la chair, la pêche et la cueillette à un mode de vie structuré autour de l’élevage et de l’agriculture.

Les céréales chères à votre cœur puisque vous êtes le Président du Festival de la « Bsissa » de Lamta, seront-elles citées ?

Les céréales vont constituer la base ! C’est la base alimentaire des sociétés depuis l’Antiquité jusqu’à des époques avancées de l’ère contemporaine. Hippocrate met en valeur les eorts de l’homme : « C’est par sélections successives qu’(il) a appris à cribler, à monder, à macérer, à faire cuire, bouillir, rôtir, a composé des mélanges et tempéré par des substances plus faibles ce qui était fort et intempéré, se réglant en toutes choses sur la nature et sur ses forces. »

Ce colloque promet, nous avons envie de dire à partir des racines de la terre…

Comprendre les racines, la genèse, les fondements, les méthodes de notre alimentation justifient la légitimité scientifique du premier colloque international sur le goût et l’implication de la Faculté des Lettres, des arts et des humanités de Manouba dans la fondation de l’Ecole du Goût et du festival des produits du terroir, en collaboration avec l’Association de Sauvegarde de la ville de Lamta.

Le grenier de Rome bel et bien présent dans ce colloque…

A Carthage comme à Rome, la nourriture était un pont, un port, un grenier, un comptoir, un champ ouvert, un grenier à convoiter, des semences à emprunter et à prêter, des sources à préserver, des secrets à transmettre…L’échange continu est la règle. Tout bouge et dans le mouvement tout voyage : les saveurs, les couleurs, les plantes, les techniques, les costumes, les bijoux et même les recettes de cuisine.

Des souhaits futurs…

Nous souhaitons établir une permanence historique à travers les âges, tout en soulignant les progrès réalisés et les pertes regrettables des usages anciens. Cela ne concerne pas uniquement les particularités locales et régionales, mais touche les richesses culinaires qui évoluent au cours des siècles. Ce ne sont pas les nourritures nostalgiques provenant de lecteurs d’un passé mythié conduisant à des interprétations folkloriques, mais des approches interdisciplinaires, critiques du plaisir de table qui est de toutes les civilisations, de toutes les conditions, de toutes les rives et de tous les pays.

Que mangeaient nos ancêtres les Berbères ? Que cachaient les fonds de cuisine carthaginois ? Avait-on mangé autant avec le nez qu’avec la bouche ? Quels étaient les usages alimentaires d’un pot de terre ? Comment donnait-il du goût aux aliments ? La hiérarchie des aliments et leur évolution dans le temps avaient-elles introduit la différence et préparé le partage ? Le caviar en Europe était une nourriture médiocre au Moyen Age et servait seulement à nourrir les volailles. Le garum romain n’a plus cours depuis longtemps. Le plus délicieux se faisait à partir du scomber dans les rivages de Carthage.

 Et la fameuse « Bsissa » ?

La Bsissa , c’était la polenta ou l’alphilon, le gruau d’orge des Grecs, le gofio des Guanches, le saouiq des Arabes. Pour Ernest-Gustave Gobert médecin et préhistorien, la Bsissa est une nourriture préhistorique dont l’ancienneté remonte au néolithique. La route du poivre et des épices a donné à la Méditerranée et à l’Orient un nom et une réputation, des siècles durant. Les aliments entre eux s’opposent, s’ajoutent, se complètent.

Cézanne Paul (1839-1906). Paris, musée d’Orsay. RF2819.

Comment se nourrit-on dans les romans historiques ? Les linguistes travaillent-ils sur les traditions culinaires, les marques des terroirs, les traditions et le savoir-faire des plats relevés, le langage des coquillages et des crustacés ?

Peut-on le savoir  ?

Vous le saurez lors du colloque cité plus haut.

 

 

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