Lamine Kallal dans les « Intrigues et coulisses » de Houmani II

Lorsque de nombreux printemps s’affichent à son compteur quant on débute l’écriture d’un roman, l’avantage est certain avec une belle expérience de la vie derrière soi. Les vécus, les expériences rencontrées au cours de sa vie et la culture accumulée constituent d’excellentes bases pour écrire. La profondeur et la nuance de son écriture a été remarquée et remarquable dès son premier roman. Lui, c’est Lamine Kallal, cet auteur incroyable qui a commencé à écrire à 80 ans. Après une biographie intitulée « Ma vie, mon œuvre », dont le but était de d’offrir à ses descendants un récit sincère sur sa vie, le virus de l’écriture a été injecté dans ses veines. « La battante » a été son second livre et carrément couronné par le prix Comar d’Or en 2022. Ensuite tombe le roman évènement « Houmani », obtenant un large succès et une distinction FABA en 2024.
Aujourd’hui son dernier cru tant attendu « Intrigues et coulisses » édité à Jasmin édition, représente un exquis « Houmani II ». Je ne l’ai pas lu, je l’ai bu ! Comme dans Houmani I, le vécu des tunisois intra-muros durant l’ultime décennie qui précède l’indépendance, enveloppe l’ouvrage comme un parfum d’âme. « Ce livre se veut une plongée dans l’univers attachant et souvent méconnu de la Médina de Tunis avec ses personnages et ses traditions surannées aujourd’hui dépassées ou tout simplement oubliées ».
Lamine Kallal évoque la douce nostalgie et l’identité à laquelle il appartient en décrivant avec élégance le Tunis des années 1945 -1955. Un bouillon de vécu greffé à une fiction réelle. Une profonde mélancolie est ressentie dans ce livre qui nous fait voyager dans une belle époque tunisoise. Un attachement à l’enfance et jeunesse perdues se fait sentir au cours de la lecture. Une réflexion sur le passé et une certaine distance par rapport à l’endroit actuel reflétant, j’ai envie de dire une forme de déracinement. La nostalgie, est comme liée à la perte d’un lieu refuge pour l’auteur qui est désormais éloigné, à la fois géographiquement et émotionnellement.
Une rêverie associée à la mémoire qui se poursuit dans une contemplation résignée de quelque chose qui ne peut revenir. Lire « Intrigues et coulisses » c’est avant tout lire une histoire d’ombre et de lumière. C’est grâce à cette lumière si particulière d’un lieu auquel l’auteur est profondément attachée, revient et s’ouvre au lecteur comme par magie. Une matière intense et profonde se lit, et c’est ce qui donne à l’écriture de Lamine Kallal la couleur de sa mélancolie. S’il n’est sans doute pas permis de revenir en arrière dans le temps, il est nécessaire de refaire le même trajet avec la douce lumière qui éclaire ses nuits d’écriture.
Au cours des pages, l’expérience du temps romanesque et du temps d’écrire se joue dans le texte et dans ce désir de demeurer dans l’écriture continue. Lamine Kallal aspire sans doute à éprouver le sentiment des épaisseurs et profondeurs de temps accumulées, à se sentir pris dans une durée qui lui sied si bien.
Aujourd’hui, à 87 ans, « il s’engage dans une véritable course contre le temps, mis par ce désir ardent de rattraper ce temps et de combler surtout les attentes d’un public de plus en plus nombreux qui deviennent ses fidèles lecteurs.
Un besoin également de l’auteur « conscient de l’urgence imposée par le temps. Il ressent ce besoin d’offrir à ses concitoyens tunisois Houmani suivie par l’actuel Houmani II, ce devoir de mémoire.
Nadia Ayadi
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