«10 ans de mariage», une comédie irrésistible et audacieuse sur le couple

Il existe des pièces de théâtre qui amusent, d’autres qui touchent, et certaines qui réussissent à faire les deux à la fois. « 10 ans de mariage », interprétée brillamment par Najla Ben Abdallah et Mohamed Dahech, entre sans conteste dans cette dernière catégorie. Véritable bijou de comédie, cette œuvre à la fois drôle, fine et émotive capte avec brio l’essence de la vie conjugale.
Quelle belle comédie si fraîche et si actuelle en cette chaude soirée du 24 août 2025 au parfum d’une brise marine au théâtre du Centre culturel de Hammamet. « 10 ans de mariage » a été initialement créée en 2012 par l’auteur belge Vardar, déjà reconnue pour son coup de génie dans « Le Clan des Divorcées ». Sur la scène tunisienne, la pièce a fait peau neuve. Traduite en dialecte tunisien au goût du jour pour refléter 2025, la mise en scène de Sana Ben Taleb, a séduit un public conquis et hilare face à un duo, on a envie de dire, « explosif » pour évidemment une explosion de… rire !
Sur fond de malentendus et de quiproquos, la pièce retrace avec humour et tendresse les hauts et les bas d’un couple marié depuis une décennie. On y rit de tout : des disputes absurdes, des attentes irréalistes, des clichés… Mais au-delà des éclats de rire, une véritable radiographie du quotidien conjugal nous est magnifiquement offerte. Les dialogues fusent, les répliques sont ciselées, et l’on sent à chaque instant le vécu, l’observation juste et surtout l’amour des personnages malgré leurs maladresses. Le public, qu’il soit jeune marié, parent débordé, célibataire nostalgique ou divorcé lucide, s’y reconnaît immanquablement.
Dans le rôle de Leïla, Najla Ben Abdallah rayonne dans sa luminosité et subtilité. Elle allie énergie burlesque, émotion sincère dans une précision de jeu remarqué et remarquable. Tour à tour joyeuse, colérique, émue, elle incarne toutes les contradictions d’une femme amoureuse et déçue, forte et vulnérable. Chaque geste, chaque regard, chaque silence est juste. Face à elle, Mohamed Dahech, dans le rôle de Kais, livre une performance tout aussi savoureuse. Son flegme apparent et ses maladresses provoquent autant d’éclats de rire que de compassion. Ensemble, leur naturel est fluide et touchant.
Adapter une pièce française au contexte tunisien n’est jamais simple et pourtant, le pari est réussi haut la main. Le texte a été intelligemment localisé, le dialecte tunisien ajoute saveur et spontanéité et les références culturelles résonnent avec le public sans jamais trahir l’âme de l’œuvre originale.
La mise en scène, signée Sana Ben Taleb, est sobre mais efficace. Elle laisse toute la place au jeu d’acteurs et aux vives émotions. Les scènes s’enchaînent avec un rythme soutenu, sans temps mort où le rire fuse du début à la fin. La pièce ne se contente pas de divertir mais elle pose des questions cruciales sur l’usure du quotidien, la communication dans le couple, le poids des rôles et les illusions perdues. Tout est réalisé avec une infinie tendresse et une profonde humanité.
Au moment où l’on croit que tout va basculer, la pièce nous rappelle que derrière les reproches se cache souvent un simple besoin d’être vu, aimé, entendu. À voir et à revoir absolument que vous soyez mariés ou pas !
Nadia Ayadi