Une spécialiste nous apprend comment nourrir le corps pour faire danser l’énergie

En ce mois d’octobre, la Faculté de Médecine de Sousse s’anime d’une belle énergie autour de la Journée Sport et Santé, placée sous le thème évocateur : « Quelle nutrition pour une performance sportive optimale ». Entre science et passion, cet événement invite à réfléchir à l’art de nourrir le corps pour qu’il devienne l’allié du mouvement, la source de l’équilibre et de la vitalité. Au cœur de cette réflexion, l’universitaire Mériam Denguezli, maître de conférences en physiologie humaine, incarne cette alliance entre rigueur scientifique et amour du vivant. Elle nous en dit plus, pour mieux comprendre comment la nutrition peut devenir une clé d’harmonie entre santé, effort et performance. Entretien.

 En tant que physiologiste, comment définissez-vous le lien essentiel entre sport et nutrition dans l’équilibre de la santé humaine ?

Le sport et la nutrition constituent deux piliers indissociables de la santé. L’activité physique stimule les grandes fonctions de l’organisme – cardiovasculaire, musculaire, métabolique – tandis que la nutrition fournit l’énergie et les substrats nécessaires à leur fonctionnement et à leur récupération. Ensemble, ils entretiennent l’équilibre entre dépense et apport énergétique, préviennent les maladies métaboliques et contribuent au bien-être physique et mental.

Quels sont, selon vous, les besoins nutritionnels spécifiques chez les sportifs amateurs et professionnels ?

Chez les sportifs amateurs, l’objectif est de soutenir la pratique sans créer de déséquilibre : une alimentation variée, riche en fibres, protéines de qualité et acides gras essentiels suffit souvent. Les professionnels, eux, nécessitent un ajustement plus précis selon le type d’effort, la période d’entraînement et de récupération. Les apports en glucides complexes, en protéines post-effort et en micronutriments antioxydants deviennent alors essentiels pour optimiser la performance et la régénération.

Comment la physiologie humaine nous aide-t-elle à mieux comprendre les effets de la nutrition sur la performance sportive ?

La physiologie nous permet de décrypter les mécanismes internes : comment les nutriments sont absorbés, stockés et utilisés selon l’intensité et la durée de l’effort. Elle nous apprend, par exemple, qu’un apport glucidique adéquat retarde la fatigue musculaire, ou qu’une carence en fer peut réduire la capacité aérobie. Cette compréhension fine permet d’élaborer des stratégies nutritionnelles fondées sur la science et non sur les modes.

Pensez-vous que les programmes universitaires en médecine intègrent suffisamment les dimensions « sport » et « nutrition » dans la formation des futurs médecins ?

Pas encore suffisamment. Ces thématiques restent souvent périphériques, alors qu’elles devraient être au cœur de la prévention. Former les futurs médecins à comprendre les effets physiologiques de l’activité physique et de l’alimentation, c’est leur donner les outils pour agir en amont de la maladie, et non uniquement pour la soigner.

Quels sont les mythes les plus répandus autour de l’alimentation du sportif que vous aimeriez corriger ?

Le premier est qu’il faut consommer beaucoup de protéines pour « construire du muscle ». En réalité, au-delà d’un certain seuil, l’excès est inutile et peut même surcharger l’organisme. Autre idée reçue : les compléments alimentaires seraient indispensables. La plupart du temps, une alimentation équilibrée et adaptée suffit amplement. Enfin, beaucoup négligent l’hydratation, pourtant essentielle à la performance et à la récupération et enfin, contrairement à une idée bien ancrée, la fameuse « pasta party » de la veille n’a pas d’effet miracle sur la performance. Les réserves d’énergie du muscle se construisent progressivement, pas en une soirée ! Ce qui compte, c’est une alimentation adaptée et riche en glucides complexes durant les deux ou trois jours qui précèdent la compétition. Trop de pâtes la veille peut même provoquer des inconforts digestifs le jour J.

Peut-on parler d’une nutrition « intelligente » adaptée au rythme de vie moderne et à la pratique sportive occasionnelle ?

Oui, à condition de privilégier la qualité plutôt que la quantité. Une nutrition « intelligente » repose sur la conscience de ce que l’on mange, l’écoute des signaux du corps et la régularité. Il ne s’agit pas de suivre des régimes restrictifs, mais d’adopter une alimentation flexible, riche en aliments bruts, et compatible avec les contraintes du quotidien.

Comment conseilleriez-vous à un étudiant ou un professionnel sédentaire de réintroduire l’activité physique et une alimentation équilibrée dans son quotidien ?

Commencer simplement. Quelques minutes de marche active par jour, monter les escaliers, limiter le temps assis : ces petits gestes ont déjà un impact métabolique. Sur le plan alimentaire, cuisiner davantage, réduire les produits ultra-transformés et écouter la satiété sont des étapes concrètes. Le plus important est la régularité : mieux vaut une activité modérée mais constante qu’un effort intense et ponctuel.

Face à l’augmentation du stress et de la fatigue chronique, en quoi la synergie entre sport et nutrition peut-elle être une réponse de santé publique ?

Cette synergie agit sur tous les niveaux : physiologique, hormonal et psychologique. L’activité physique régule le stress, stimule les endorphines et améliore la qualité du sommeil. La nutrition, quant à elle, soutient le système immunitaire et le métabolisme énergétique. Ensemble, elles forment une véritable stratégie de prévention du burn- out et des maladies liées au mode de vie moderne.

Quel rôle les universités tunisiennes peuvent-elles jouer dans la promotion de la culture du bien-être et de la prévention par le sport ?

Elles peuvent devenir des acteurs clés du changement en intégrant le sport et la nutrition dans leurs programmes et dans la vie étudiante. Organiser des campagnes de sensibilisation, proposer des activités physiques régulières et encourager la recherche en physiologie du sport sont des leviers puissants pour instaurer une culture du bien-être dès les bancs de l’université.

Selon vous, quelles sont les priorités pour sensibiliser les jeunes médecins à l’importance de la physiologie appliquée à la santé du sportif ?

Il faut avant tout montrer concrètement comment l’activité physique et la nutrition peuvent être utilisées comme outils thérapeutiques ; Ensuite, promouvoir les approches interdisciplinaires – entre médecins, nutritionnistes, kinésithérapeutes et physiologistes – pour développer une médecine véritablement préventive et intégrative.

Entretien conduit par Nadia Ayadi

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