Djerba : Quatre femmes et un défi pour Kotouf!

A l’occasion de la première édition de Kotouf, qui s’est déroulé le 17 et 18 octobre à Djerba, récemment inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, Femmes de Réalité a rencontré les membres du comité directeur de ce festival. Kotouf célèbre les voix du Sud avec des tables rondes, des ateliers, des signatures d’ouvrages et des moments d’échanges entre le public (venu nombreux) et les invités aux nationalités plurielles (Tunisie, France, Liban, Tchad, Cote d’Ivoire, etc.). Quatre chefs d’orchestre ont dirigé cette symphonie insulaire : Fatma Dellagi-Bouvet de la Maisonneuve (psychiatre et écrivain), Marielle Anselmo (enseignante, chercheuse et poétesse), Sourour Barouni (Professeure d’anglais et doctorante en relations internationales), Mounira Dhaou (agrégée en langue et littératures arabes), elles nous parlent de Kotouf. Pour en savoir plus, elles se confient à nous.
Fatma Dellagi-Bouvet de la Maisonneuve, comment vous est venue l’idée de créer ce festival et que signifie Kotouf ?
« kotouf, signifie cueillettes en langue arabe. Cueillette de la pensée, des mots, des textes. Acte délicat et collectif. Nous voulions à travers ce festival décentraliser la pensée. Je trouve que nos références intellectuelles sont souvent occidentalo-centrées. J’ai toujours été intriguée, moi venant de Tunisie et installée en France, par l’absence des références intellectuelles et littéraires du Sud dans la culture dite du Nord, alors que nous dans le Sud nous connaissons parfaitement les références du Nord. Je me suis dit qu’à travers ce festival, on pourrait contribuer à faire connaître les références du Sud, les écrivains, les penseurs, les militants, etc. Un échange entre le Sud et le Nord est aujourd’hui plus ce que nécessaire et nous avons travaillé pour sensibiliser les jeunes à ces questions en les impliquant directement avec nous. »
Marielle Anselmo, si vous nous parliez de cette aventure puisque vous faites partie du comité directeur de Kotouf ?
« C’est une aventure que nous avons vécue à quatre. L’étincelle vient de Fatma Al Dellagi-Bouvet de la Maisonneuve, c’est elle qui a eu l’idée de créer ce festival, puis le groupe s’est construit autour de ce projet, nous avons appris à nous connaître. Nous avons mis, toutes les quatre, nos compétences au service de ce projet. Nous sommes quatre femmes, quatre univers différents, il y a eu une très belle circulation entre nous qui a permis à ce projet de voir le jour. Le public est venu nombreux, les jeunes étaient au rendez-vous et c’est à mon avis notre plus belle réussite. »
Sourour Barouni, ce festival, c’est l’histoire d’un rêve qui se réalise, d’un défi relevé à quatre, comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
« Ce festival c’est l’histoire d’un défi, d’un « challenge », qu’on s’est lancé lors de notre toute première rencontre. Ce n’était pas facile, on a appris à surmonter les difficultés, la lenteur de la bureaucratie, on a appris à se connaître, à devenir plus fortes à quatre. Au moment du lancement du festival, je voyais ce rêve se réaliser au bout de deux années, voire plus, de travail acharné. J’ai pleuré, larmes de joie face à ce public nombreux, généreux, face à l’implication des jeunes avec nous. Tout ceci nous fait oublier le stress, la fatigue et les moments difficiles. »
Mounira Dhaou, quel souvenir gardez-vous des premiers échanges autour du festival ?
« J’ai rencontré Fatma à la bibliothèque du Centre Culturel Méditerranéen, j’allais ce jour-là présenter son livre, puisque je dirige l’unité des livres au sein de ce Centre. Ce jour-là Sourour Barouni était, elle aussi, présente. Fatma nous a parlé de son idée, de ce projet et nous avons tout de suite adhéré à ce concept qu’elle voulait mettre en place à Djerba. Nous faisions des réunions par zoom pour donner forme à Kotouf. Je suis aujourd’hui heureuse d’assister à la naissance de ce festival des littératures du Sud. On a rêvé, on y a cru, on a surmonté les difficultés ensemble et la meilleure réponse qu’on puisse donner à ceux qui doutaient de ce projet est la présence du public et surtout des jeunes. »
Entretiens conduits par Emna Louzyr
Crédit photo : Pierre Gassin et Wided Zoghlami