Hommage : Hier encore, Tunis chantait Aznavour

Il est 19h10, une foule attend l’ouverture des portes du Théâtre Municipal de la ville de Tunis. Inauguré en 1902, cet ancien casino de la capitale devenu, depuis, une de ses plus belles scènes, a accueilli de grands noms du quatrième art et de la scène musicale nationale et internationale. Durant cette attente, certains évoquent leurs souvenirs dans ce théâtre. Il faut dire que le public ait l’âge adéquat pour se remémorer ce temps « que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». Aznavour : « Car on aime cette nostalgie, il a bercé ma jeunesse, mes parents ne juraient que par lui », dira un spectateur qui ajoute : « j’avais vingt ans je gaspillais le temps ».

« Hier encore », chanson écrite et interprétée par l’artiste dans les années soixante, reprise et traduite dans plusieurs langues, a été choisie comme titre pour ce spectacle. Sous la direction musicale du chanteur, compositeur et pianiste Rafik Gharbi, ce concert « aznavourien » est en réalité une célébration du centenaire de naissance de l’artiste, qui aurait pu fêter ses cent ans en 2024.

Une multitude de représentations déjà…

Rafik Gharbi et ses amis musiciens sont en réalité à leur dixième représentation. Kamel Sallem, musicien et chanteur, fait son entrée sur scène avec son béret, certains le connaissent depuis les années soixante-dix, époque où il a co-fondé, avec Fawzi Chekili, le groupe de musique Carthago. Il chante, il incarne un personnage, mieux encore il représente toute une époque !

Lui emboite le pas la soprano Lilia Ben Chikha qui nous confie qu’elle a commencé à chanter dès ses 4 ans, en se concentrant initialement sur le chant oriental. Par la suite, elle a découvert sa passion pour les styles occidentaux, explorant le jazz et la pop avant de se spécialiser dans l’opéra. Lilia interprète « comme ils disent », une chanson écrite, composée et interprétée par Charles Aznavour, parue dans l’album « Idiote je t’aime », puis en single en 1972.

Le public est conquis par son grain de voix et la puissance de son coffre. Elle partage la scène avec la jeune contralto Mayssoun Fatnasi qui fait son entrée avec une interprétation en anglais de « Hier encore ». La demoiselle drapée de rouge a la voix chaloupée et une grande maîtrise des notes basses.

« La Mamma », « Hier encore », « La bohème »… dans les cœurs en chœur

Ce trio nous a permis de revisiter une partie du répertoire de Charles Aznavour qui a enregistré, tout au long de sa carrière, plus de mille trois cents chansons. Il faut dire que sa présence dans la scène musicale s’est étendue sur plus d’un demi-siècle. Les interprètes ont également chanté en duo ou en trio sous les applaudissements du public qui reprenaient par cœur « La Mamma », « Hier encore », « La bohème », « Comme ils disent », ainsi que des reprises en anglais et en espagnol.

Rafik Gharbi nous confie qu’il travaille « en équipe, les artistes ont leur mot à dire, on choisit ensemble les titres que nous allons interpréter, nous sommes une vraie famille et on évolue dans la confiance ». Il ajoute également que  « D’autres dates suivront en hommage à Dalida et Piaf, le 16 novembre 2025 au Théâtre Municipal de la ville de Tunis. Ce projet sur la chanson française se poursuit ».

Ce spectacle fut l’occasion pour nous de découvrir ou de retrouver ces jeunes cantatrices, d’écouter Le Tango des amoureux Pont neuf, une compositeur Rafik Gharbi, et de s’émerveiller de l’interprétation de Fahed Abda, jeune chanteur, invité surprise, qui a interprété : « Fil beli Oghniaton », de l’artiste Libanais Marcel Khalifa. Une voix qui traverse les silences et qui fera beaucoup parler d’elle.

« Hier encore », un spectacle en hommage à Aznavour, un grand artiste qui s’est produit plusieurs fois en Tunisie, la toute dernière a eu lieu en 2008 lors de la 45e édition du Festival international de Carthage. Il devait être aux anges, lui qui disait : « On ne récolte jamais que les sentiments que l’on sème ».

Emna Louzyr

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