PAM : Evaluation de la sécurité alimentaire des tunisiens vivants avec le VIH
Le 1er décembre de chaque année souligne la Journée mondiale du Sida et marque également le 40e anniversaire de l’émergence du VIH. Cette nouvelle maladie à l’époque continuera d’être associée aux homosexuels pendant plusieurs années et affublée de surnoms plus stigmatisants les uns que les autres, comme GRID ou encore « peste gaie ».
Les iniquités entre pays développés et pays en développement perdurent à plus d’un égard en santé causées cependant par plusieurs autres facteurs.
L’absence de campagne de prévention n’y est certainement pas étrangère. C’est aussi ce manque de sensibilisation qui, insidieusement, alimente la discrimination, des groupes vulnérables face au VIH, et mine les efforts de la lutte contre cette épidémie qui n’est pas terminée mais qui semble dangereusement oubliée. Il n’est pas étonnant l’ONUSIDA ait choisi à la fin de 2021 le slogan de Mettre fin aux inégalités.. Mettre fin aux pandémies.
Les personnes qui n’ont pas accès à suffisamment de nourriture, de revenu ou de terre, ont une plus grande probabilité d’être poussées dans des situations qui les exposent au risque d’infection par le VIH.
La nutrition est essentielle pour les personnes affectées par le VIH.
Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies-Tunisie en collaboration avec l’ONUSIDA et le Ministère de la Santé, a réalisé durant l’année 20-21, une étude sur l’évaluation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) en Tunisie. Il s’agit de la première étude du genre dans la région de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient.
Cette étude est venue combler un vide sur les informations nutritionnelles en générant des preuves sur la situation alimentaire et nutritionnelle des PVVIH en Tunisie.
Très souvent négligée, la sécurité alimentaire et la nutrition sont essentielles pour les individus, les ménages et les personnes affectées par le VIH.
Même si le nombre des PVVIH n’est pas très élevé comme dans d’autres pays (on parle de 4500 personnes selon les statistiques de l’ONUSIDA) cette étude a montré que 39% des PVVIH vivent dans une insécurité alimentaire.
Plus de la moitié de tous les ménages ont eu recours à une baisse de la qualité des aliments et une réduction des portions ainsi qu’a une réduction du nombre des repas par jour.
La majorité des PVVIH enquêtés consomme en moyenne un à deux repas par jour. Les femmes enceintes et allaitantes PVVIH souffrent d’insuffisance pondérale et d’anémie. Une absence de sécurité alimentaire et un mauvais état nutritionnel peuvent accélérer la progression de la maladie qui est le SIDA et vers les maladies liées au SIDA. Le VIH affaiblit l’état nutritionnel en compromettant le système immunitaire. C’est un cercle vicieux qui se crée. Un PVVIH dont l’état nutritionnel est affaibli peut avoir également des problèmes de consommation. Il est sujet à des problèmes gastriques (diarrhées, nausées), problèmes au niveau des muqueuses provoquant une malnutrition…
Les adultes vivant avec le VIH ont des besoins énergétiques de 10% à 30% plus élevés que ceux d’un adulte en bonne santé non infecté par le VIH. Les enfants vivant avec le VIH ont des besoins 50% à 100% plus élevés que les besoins normaux.La disponibilité de la nourriture et une bonne nutrition sont par conséquent cruciales pour garder plus longtemps en bonne santé les personnes vivant avec le VIH. En effet, un corps plus fort, en meilleure santé, peut mieux résister aux infections opportunistes qui affectent les personnes, particulièrement dans des environnements pauvres en ressources où les services de santé préventive ne sont pas toujours disponibles.
Cette étude sur les PVVIH a recommandé vivement de renforcer les capacités des professionnels de la santé, notamment les médecins et les nutritionnistes en « Nutrition et HIV ». Un atelier pour la formation des formateurs a eu lieu en mois de novembre 2021 et a rassemblé des participants de différentes régions tunisiennes. Cet atelier a recommandé l’intégration de la Nutrition dans le traitement de la prise en charge thérapeutique des PVVIH.
L’insécurité alimentaire est double chez ceux qui manquent le traitement anti rétroviral
Cette étude a montré aussi, une vulnérabilité et une pauvreté importante chez les PVVIH. 58% des PVVIH enquêtés En effet, sont au chômage, 52% d’entre eux sont endettés, 66% ont décrit leur emploi comme intermittent, saisonnier et temporaire. 70% des PVVIH enquêtés classent le logement, le soutien psycho-social, la quantité de nourriture, la qualité des aliments comme premier besoins non satisfaits.
L’insécurité alimentaire est presque le double chez ceux qui manquent le traitement anti rétroviral par rapport à ceux qui y adhèrent. Les PVVIH qui manquent le traitement ont le statut le plus pauvre et les plus vulnérables. Une carence importante a été notée concernant le fer et 43% des PVVIH ont une carence en fer. Dans l’ensemble, 30% des répondants ont eu recours à des stratégies d’adaptation basées sur les moyens d’urgence (16% ont eu recours à la mendicité, 18% à des activités illégales telles que le vol, la prostitution…et 10% ont eu recours à l’itinérance).
On note aussi une stigmatisation et une discrimination qui sont bien associée au VIH/SIDA causée généralement par des idées fausses sur le virus. Les mythes sur le mode de transmission… La stigmatisation peut conduire à des violations des Droits de l’Homme y compris la dignité, le droit au travail, l’égalité qui affecte fondamentalement le bien-être des PVVIH.
La stigmatisation entrave les efforts de la prévention. D’ailleurs les PVVIH interrogées ont perçus la stigmatisation comme un obstacle pour travailler, pour continuer à travailler (problèmes de licenciements), pour se faire soigner (RDV différés chez certains spécialistes tel que les dentistes, les Gynécologues…).
Le PAM en collaboration avec ses collaborateurs notamment l’ONUSIDA, le programme de lutte contre le SIDA (PNLS) et le Ministère des Affaires Sociales (MAS), ont entamé un « Plaidoyer pour une protection sociale sensible au VIH ». Ce plaidoyer s’inscrit dans le droit fil de la promotion des droits humains des PVVIH et de leur citoyenneté sociale. Un atelier organisé le 15 décembre 2021 a rassemblé des travailleurs sociaux qui ont insisté sur l’adoption d’une loi particulière à la protection sociale des PVVIH.
La reconnaissance du VIH/SIDA également comme une maladie chronique pour la prise en charge intégrale au titre de l’assurance maladie, la mise en place d’un programme spécifique couvrant les besoins spécifiques des PVVIH à intégrer parmi les 24 programmes sociaux du MAS.
Une mobilisation pour plus davantage de ressources en coordination avec les ONG, les organisations onusiennes et internationales pour renforcer la prévention, la sensibilisation, la nutrition été mise en place en mettant en place également les mécanismes d’autonomisation économiques et d’intégration sociale des PVVIH…
Une matinée de sensibilisation des médias a aussi eu lieu le 22 décembre dernier à Tunis et a eu pour objectif d’inciter les médias à prendre des mesures pour accorder au VIH l’attention qu’elle mérite dans le cadre de l’actualité et maximiser l’impact du Plaidoyer social. Il s’agit de favoriser également un débat franc et ouvert sur le VIH/SIDA, remettre en question la stigmatisation en favorisant une information précise sur le VIH et le SIDA. Encourager aussi les autorités à agir et pousser les responsables publics à répondre positivement au plaidoyer et à promouvoir des activités génératrices de revenu aux jeunes PVVIH.
Femmes, sécurité nutritionnelle et VIH
Selon l’ONUSIDA, les femmes sont biologiquement, socialement et économiquement plus vulnérables au VIH que les hommes. Ces situations à haut risque peuvent inclure la migration et la mobilité forcée pour trouver du travail (les communautés migrantes ou mobiles ont aussi souvent un (plus) mauvais accès aux services de santé), les rapports sexuels transactionnels ou rémunérés ou l’obligation de rester dans des relations sexuelles abusives ou à haut risque pour des raisons de dépendance économique ou sociale. Les femmes participent généralement à la production, l’achat et la préparation de la nourriture. Lorsqu’une femme est séropositive au VIH, la sécurité alimentaire du ménage est affectée car ces responsabilités incombent alors aux femmes plus jeunes et moins expérimentées de la famille. Les femmes sont également les principales dispensatrices de soins. Les soins aux membres malades de la famille leur laissent alors moins de temps pour la production et la préparation de la nourriture.
Environ 90% des enfants séropositifs au VIH sont infectés par leur mère lors de la grossesse, de l’accouchement ou de l’allaitement. Un mauvais état nutritionnel peut accroître le risque de transmission verticale du VIH en influençant les facteurs maternels et infantiles liés à la transmission. Les mères séropositives au VIH doivent aussi pouvoir accéder à une information appropriée et à des substituts du lait maternel afin de minimiser le risque de transmission par l’allaitement.
Ce qui est étonnant, c’est que l’histoire se répète et qu’on n’en tire aucune leçon. Avec le VIH, nous avions compris qu’une épidémie ne peut être réduite à un virus et qu’ignorer les injustices sociales est synonyme d’échec.
Nadia Ayadi
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