Najet Brahmi « Parité Homme Femme en ligne de mire dans l’arbitrage international »
La Chaire ALECSO pour l’arbitrage commercial international se propose de lancer le 13 août prochain, le premier baromètre portant sur « l’arbitrage en Tunisie, pratique de la parité en statistiques ». Najet Brahmi Zouaoui, professeure à la faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis, Directrice de la Chaire ALECSO pour l’arbitrage commercial international et avocate auprès de la cour de cassation, nous éclaire sur cette question très actuelle. Entretien.
Voudriez-vous nous présenter ce projet et nous éclairer sur les intérêts liés au choix de la date du 13 août pour le lancement de cette consultation nationale ?
Je vous remercie tout d’abord pour l’intérêt que vous portez à nos activités et je tiens à souligner qu’au niveau de la Chaire ALECSO pour l’arbitrage commercial international, nous avons choisi la date du 13 août comme date symbolique de l’émancipation de la femme pour lancer la consultation nationale sur le taux de participation de la gent féminine dans le milieu professionnel de l’arbitrage.
Pourquoi une telle initiative ?
Cette initiative aurait le mérite de focaliser l’attention sur l’une des questions les plus importantes, mais la moins discutée. Un débat sur la question serait d’autant plus important que l’arbitrage se veut aujourd’hui un mode privilégié de résolution des conflits qui, pour mieux servir aux intérêts des justiciables, devrait être conduit par des arbitres qualifiés et compétents. Il va de soi que la compétence n’a ni couleur ni sexe.
Quel serait votre souhait le plus cher ?
De voir les femmes renforcer les rangs des hommes dans ce domaine spécifique de l’arbitrage. La fête nationale a toujours été une occasion pour appeler à renforcer l’idée de la parité au sein de la société en général et de la famille en particulier. La CAACI fêtera ce 68e anniversaire à sa manière et lancera une consultation nationale sur le taux de participation des femmes à l’arbitrage. Notre œuvre cherchera à recueillir le maximum possible de statistiques.
Pourrions-nous en savoir plus sur ce projet par rapport aux modalités, surtout pour sa mise en œuvre ainsi que de ses perspectives ?
Une consultation nationale sur la participation des tunisiennes à l’arbitrage s’avère ainsi indiquée pour mieux comprendre la réalité de cette implication limitée, proposer des alternatives et correctifs au constat dégagé. L’étude serait corrélée à des statistiques fiables sur le taux de participation des femmes à l’arbitrage (contentieux, expertises, activités et autres).
Quelles seraient votre démarche quant aux sources disponibles ?
Ces statistiques devraient avoir pour sources entre autres, les listes d’arbitres des centres d’arbitrage, les décisions de la justice (premier président de la Cour d’appel de Tunis ou président du tribunal de première instance seuls qualifiés à nommer les arbitres en cas de difficultés au niveau de cette nomination), les manifestations scientifiques, académiques et professionnelles relatives à l’arbitrage qui seraient en large mesure révélatrices de l’implication des femmes qualifiées dans le domaine de l’arbitrage. La CAACI se propose de mener cette étude et d’en restituer les résultats.
Comment s’effectuera cette réalisation ?
Un groupe de chercheurs travaillera sous l’égide de la CAACI. Il importera de se rapprocher des différents acteurs de l’arbitrage (centres d’arbitrage et tribunaux) pour mieux comprendre le critère de nomination d’une part, recueillir et lire les statistiques relatives aux nominations des arbitres de l’autre. L’œuvre de la CAACI cherche à une meilleure lecture du paysage de la pratique de l’arbitrage en Tunisie. Elle serait d’autant plus justifiée qu’au niveau des textes de loi, la parité ne laisse aucune ombre.
C’est-à-dire ?
L’article 10 du code de l’arbitrage s’en tient à des critères objectifs pour la nomination des arbitres. Aussi, dispose-t-il que « L’arbitre doit être une personne physique, majeure, compétente et jouir de tous ses droits civils. Elle doit être indépendante et impartiale vis-à vis des parties ». Seules la compétence, l’indépendance et l’impartialité sont requises !
Une action bien innovante. Le travail sur les statistiques comme bases, ne semble pas avoir été engagé auparavant dans le cadre d’études qui s’intéressent à l’arbitrage. Serait-ce un intérêt spécifique à cette fête de la femme 2024 ou tiendrait-il d’une stratégie globale de la CAACI ?
Convaincue des intérêts qui s’attachent à la collecte, à l’analyse des statistiques en général et dans le domaine spécifique de l’arbitrage en particulier, la CAACI a porté à l’œuvre de la collecte, des statistiques à une lame de fond de son plan de travail à court et moyen termes. Au mois de mai 2024, et sous l’Egide de l’Alecso, la CAACI a lancé la première consultation arabe sur la pratique de l’arbitrage dans le Monde arabe. Le questionnaire qui devait appuyer cette consultation et lui servir d’instrument de réalisation est composé de 12 questions formulées en termes de comment et de combien.
En quoi consiste le combien ?
Il s’intéresse particulièrement au nombre de centres d’arbitrage et à ceux qui sont réellement fonctionnels. Une première restitution des résultats de cette consultation est attendue au mois de novembre 2024. Dans la continuité de cette première consultation nationale sur la pratique de l’arbitrage dans le Monde arabe, la CAACI lance cette deuxième consultation sur la parité des statistiques dans ce domaine.
Une œuvre bien ambitieuse …
Elle vise surtout à une meilleure collecte et analyse des statistiques liées à la pratique de la parité dans cette question cruciale.
En conclusion pourriez-vous nous présenter les principaux projets que la CAACI se propose de réaliser ?
La CAACI c’est une Chaire académique et en sa qualité telle, elle s’investit particulièrement dans les projets scientifiques et académiques. A cet effet, nous sommes ravis de rappeler qu’au bout d’une année de sa création, elle a été chargée par l’ALECSO de la mise en place de la revue arabe des Chaires ALECSO, une revue qui devrait publier les travaux scientifiques de toutes les Chaires. Selon leurs contributions, les Chaires pourraient chacune meubler un numéro spécial de cette revue qui portera leur nom. Notre Chaire a eu le mérite de meubler les deux premiers numéros spéciaux qui ont été respectivement publiés aux mois de mai 2023 et 2024.
En quoi consistaient les deux numéros de cette revue ?
Le premier numéro est une publication des travaux du colloque international de la CAACI des 8, 9 et 10 novembre 2022, portant sur « l’arbitrage commercial international aujourd’hui : Réalités et perspectives ». Le second numéro a porté sur « Les principes directeurs de l’arbitrage commercial international : Les constances variables », et une publication des travaux du 2e colloque international de la CAACI, organisé à Tunis les 26 et 27 avril 2023 sous l’égide de l’ALECSO avec la participation d’éminents experts de l’arbitrage commercial à l’échelle aussi bien nationale qu’internationale.
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