La fille de personne. Partie 2
Née d’un instant de désir, Naziha paye la lourde facture de l’erreur d’une mauvaise mère qui l’a jeté en pâture à une société sans pitié. Que peut faire une fille de quatorze ans lorsqu’elle n’a ni parents ni refuge pour se terrer et survivre à ses misères et ses humiliations ? Le désespoir lui a brisé le cœur, à tel point qu’elle n’en avait plus. Voici la partie 2.
Naziha accoucha par une nuit froide d’hiver au pied d’un immeuble. Elle connut les pires douleurs de sa vie et se délivra d’une petite fille qu’elle enveloppa dans son unique châle de laine. Elle la dévisagea longtemps avant de la déposer devant les escaliers de l’immeuble en murmurant juste un pardon. Elle partit vite pour ne pas entendre les pleurs de son enfant. Elle ne ferma pas les yeux de la nuit jusqu’au petit matin. Elle courut dès la première heure jusqu’à l’immeuble pour s’assurer que son bébé n’était plus là. Elle sentit qu’elle avait été allégée de son lourd fardeau. Comme si elle était gagnée par un élan de maternité, elle décida de revenir à sa maison d’enfance pour chercher sa tante maternelle. Les voisins lui apprirent que sa véritable génitrice avait disparu, dès qu’elle l’a mise au monde et la femme qui l’avait élevé jusqu’à quatorze ans n’était autre que sa tante. Naziha fut anéantie. Elle croyait à ce moment là qu’elle vivait un cauchemar. Elle s’éloigna de la maison, et ne se sentit plus un être humain doté d’une identité. Elle aurait aimé tout ignorer, s’évaporer dans le ciel et mourir comme meurent les vents. Désormais, elle n’appartenait plus à elle-même. Elle est la fille de tout le monde et de personne. Elle accepta la première proposition d’un homme qui voulait faire d’elle « sa chose ». Elle s’installa dans son appartement pour lui faire la cuisine et tout le ménage. Elle accepta ses amis et ne manquait pas de les divertir en offrant ses charmes sans aucune gêne. Elle ne voulait plus être dans la rue et souffrir du froid et de la chaleur. Elle se disait pour se conforter que c’est écrit et qu’elle devait se soumettre à son malheureux destin. Lors de ses petites sorties, elle frappait à toutes les portes pour trouver un travail et tenter de se prendre en charge. Mais, on exigeait d’elle les qualifications qui lui permettait d’accéder à ce privilège. Elle ne tarda pas à sombrer dans l’alcool et la cigarette. Elle fit un jour la connaissance d’une propriétaire d’un salon de coiffure. Quand elle lui raconta son histoire, elle l’avait prise en sympathie en lui proposant de lui apprendre le métier et de travailler chez elle. Naziha fut heureuse mais pas pour longtemps. Le frère de la coiffeuse avait refusé la présence de cette jeune fille qui trainait un si lourd passé. La coiffeuse dut confusément s’excuser auprès de Naziha et lui offrit son amitié. Elle lui recommanda d’éviter de boire et de s’adonner comme un objet aux hommes. C’est « haram », lui dit-elle, avec beaucoup de tendresse. Mais Naziha ne put supporter plus longtemps ces paroles qui ne voulaient rien dire pour elle. Elle éclata comme un orage. « Qu’aurais-tu fais à ma place si tu n’avais ni père ni mère, ni même une famille » lui répond Naziha. « Personne ne m’avait rien appris, je ne pouvais pas différencier entre les bonnes et mauvaises manières. Personne ne m’a jamais rien appris ! Je suis un produit de la rue et la société ne veut pas de moi…. » Elle se leva jetant ses cheveux en arrière et traversa la rue sans même jeter un regard à tous ceux qui admiraient son allure. Complètement aveuglée, une sourde terreur lui empoignait les entrailles. Alors elle se mit à courir fuyant son funeste destin.
S.B.M
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