Najla Allani: ‘‘ Mon défi est de rendre hommage aux icônes du pays ’’

C’est entre la profondeur de l’histoire et l’enracinement des valeurs universelles, qu’elle a évolué « j’ai grandi, tel est le cas de plusieurs Tunisiens et Tunisiennes de ma génération qui ont vécu l’élan d’une modernisation sociétale, mise en œuvre par le Président Bourguiba et marquée par la promulgation du Code du statut personnel… »… affirme Najla Allani, Directrice générale du CREDIF, qui a accepté malgré un agenda chargé à nous accorder un entretien. Elle répond naturellement à nos questions en prenant le temps de développer son ressenti.

Quelles sont les facteurs les plus déterminants qui ont forgé votre personnalité?
Les valeurs qui nous ont été transmises à travers toutes les étapes de notre socialisation déterminent dans une large mesure notre personnalité, nos capacités d’action, d’adaptation, voire notre devenir. C’est entre les bras d’une mère et d’un père, enseignants qui, par l’éducation, ont pu assurer non seulement le transfert du savoir scientifique, mais aussi l’ancrage de l’amour de la patrie à maintes générations. Et c’est sous les toits et entre les ruelles de la Médina de Kairouan que j’ai développé une sensibilité à l’espace, à son esthétique, à l’ouverture qu’il nous offre sur autrui et surtout à la mémoire collective qu’il sait préserver et qui est parfaitement forgée dans les moindres détails de ses composantes.
J’avoue que lors de ma socialisation professionnelle et mes activités associatives, des facteurs tels que l’objectivité et la curiosité scientifique, le militantisme à travers la culture m’ont aussi beaucoup marquée.

De l’architecture à la recherche sur les femmes, que pouvez-vous nous dire sur ce passage ?
Dans les diverses disciplines des sciences humaines, la relation des femmes à l’espace a fait l’objet de plusieurs études et recherches. Même en architecture, la dimension genre a été dans plusieurs contextes prise en considération et partout dans le monde, on peut trouver des villes « amies aux femmes », « WomenFriendlyCities », dont les composantes de l’espace public sont conçues à la lumière des besoins spécifiques des femmes.

C’était pour moi un processus de cohérence, de capitalisation et de continuité sur le chemin de l’investigation scientifique qui place les femmes au cœur des problématiques prioritaires. Etant déjà sensible aux questions genre en ma qualité de membre fondateur du Prix Fatma El Fihria et sa directrice exécutive, il s’agit plutôt d’une translation d’un angle analytique architectural à un angle analytique fondé sur une lecture pluridisciplinaire des rapports sociaux de sexes en Tunisie, que j’assure en tant que Directrice générale du Centre de recherches, d’études, de documentation et d’Information sur les Femmes (CREDIF) avec une équipe professionnelle et exceptionnellement motivée.

Quel serait votre projet « coup de cœur » ?
J’ai toujours été fascinée par la mémoire des femmes qui ont marqué l’histoire de la Tunisie : Al Kahena, Fatima Fihria, Arwa Al Kairawania, et toutes les femmes qui ont libéré la Tunisie, par leurs plumes, leur sang mais qui étaient tant oubliées par les historiens.
J’ai eu un défi personnel qui a été levé cette année à l’occasion du 30e anniversaire du CREDIF, célébré en août dernier, avec la réédition de l’œuvre de Hassan Hosni Abdelwahab « Al ChahiratAttounisiet », dont les anciennes éditions ont été épuisées. Un mapping et un audiobook ont été également réalisés pour rendre hommage aux icones de l’histoire de la Tunisie.
Je peux dire que mon projet coup de cœur consiste à mettre en œuvre une diplomatie culturelle qui valorise l’apport artistique, scientifique, politique et civique des femmes. A cet effet, je tiens lors de mon passage au CREDIF à redynamiser sa Chaire Unesco afin d’accroître le rayonnement de cette institution et de la Tunisie.

Votre avis quant à l’ampleur que prend le phénomène des violences faites aux femmes en Tunisie ?
Le phénomène des violences faites aux femmes est de plus en plus manifeste à travers toutes ses formes allant des violences psychologiques, passant par les violences physiques, économiques et arrivant jusqu’aux violences politiques.
En dépit des efforts institutionnels, des actions civiques et des recherches scientifiques, le phénomène prend davantage d’ampleur et s’accentue avec l’insuffisance des services de prises en charge et de l’impact socio-économique du contexte de la Covid-19…
g Quelles sont vos interventions majeures en matière de lutte contre ce fléau?
Le CREDIF, bien avant la promulgation de la loi organique 2017-58, a mis en exergue, une étude nationale sur les violences faites aux femmes dans l’espace public. Cette étude a été publiée en 2016. Le Crédif a aussi instauré un système d’observation des violences basées sur le genre à travers la production d’une batterie d’indicateurs qui mesure les violences faites aux femmes et qui contient aujourd’hui 38 indicateurs.

Avez-vous eu recours aux parlementaires ?
Le Crédif a engagé plusieurs actions de plaidoyer auprès du grand public à travers la société civile et auprès des parlementaires, pour assurer l’adoption de la loi. Une fois promulguée, il a pu former plus que 500 agents de police et de Garde nationale à la loi organique n° 2017-58 et la prise en charge des femmes victimes de violences, couvrant pratiquement tout le territoire. Récemment, il a dupliqué ce renforcement de capacités au profit des agents et des cadres des postes de police et de Garde nationale de permanence. Outre les actions de sensibilisation sur les violences basées sur le genre dans les moyens de transports qui ont eu lieu au Grand-Tunis, à Sfax et sur les réseaux sociaux, nous travaillons à présent sur les violences cybernétiques faites aux femmes.
N.A

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