Myriam Riza : ‘‘Les hommes sont les lésés de la mode en Tunisie… ’’

Qui n’a jamais entendu parler de la marque Anaïs de Raoudha Riza, l’ex-speakerine phare de la télévision tunisienne? Anaïs le nom de la marque haute couture ne vous est-il pas familier ? Elle avait marquée l’histoire des grands de la couture tunisienne. Aujourd’hui, la marque innove encore et en parallèle Myriam Riza qui n’est autre que la fille de sa célèbre maman, influencée et influenceuse lange également sa propre marque : Miss Anaïs qui bouleverse les codes établis de la mode en Tunisie. Un style complètement novateur qui se propulse! Qui aurait cru que cette diplômée de la finance internationale tomberait dans le récipient de l’élixir de la mode   ? La formation de notre artiste était pourtant si loin de ce domaine… Femmes et Réalités a rencontré cette jeune et dynamique femme qui fait déjà beaucoup parler d’elle par ses collections aussi contemporaines que créatives. Pour en savoir plus, nous avons rencontré cette jeune femme au parcours atypique. Entretien.

/ Si vous aviez à vous définir aujourd’hui, vous diriez quoi ?

A 38 ans, je peux considérer que je suis une femme épanouie, tant sur le plan personnel que professionnel. Je suis plutôt hyperactive et ma vie est bien remplie, j’ai pu y insérer presque tous mes rêves…

/ Comment peut-on se convertir de la finance à la mode, ce qui est votre cas ?

C’est une question de volonté et d’accomplissement. Diplômée de Paris Dauphine, j’ai tenu des postes de responsabilité importants au sein de grands groupes français dans plusieurs pays européens et arabes.

Après 10 ans de carrière,  j’ai ressenti le besoin de réaliser mon tout premier rêve : la mode. Après mûre réflexion, j’ai défini mon style et je me suis lancée en 2017 dans la création de ma première marque Miss Anaïs, qui alliait un style pop rock qui me correspond.

/ Dans quel environnement avez-vous grandi ?

A la Marsa, dans une famille très unie. Mon père est dirigeant d’entreprise et ma mère, ex-speakerine télé et radio, est styliste dans la haute couture.

/ D’où vous vient votre passion pour la création de mode ?

De mon enfance passée en grande partie dans l’atelier haute-couture de ma mère, ce qui explique mon orientation naturelle pour la mode !

/ Quel est votre premier souvenir lié à la mode ?

Les défilés de mode de ma mère  en Tunisie et à l’ étranger où je l’accompagnais souvent. J’étais tantôt mannequin, tantôt en backstage et aussi  spectatrice côté invités.  Ils ont été pour moi un moteur important et une source d’inspiration  quotidienne.

/ Suivez-vous le travail des créateurs nationaux et internationaux ?

Bien sûr, ce sont des exemples de créativité, de travail acharné et de réussite.

/ Quels sont ceux ou celles qui vous interpellent ?

Je suis totalement fan d’Alexander Mac Queen,  qui pour moi a été un visionnaire, un génie de la mode.

Son côté rock voire punk dans ses créations m’inspire beaucoup. J’aime aussi beaucoup Stella Mac Cartney, Versace et Jean-Paul Gaultier que j’ai eu la chance de rencontrer à Paris. C’est l’une de mes plus belles rencontres sur le plan artistique.

/ Quelle est la chose la plus importante que vous retenez de votre passion ?

Il faut oser, se lancer, parfois tomber, se relever et avancer, Créer toujours plus.

/ Comment définiriez-vous le style de vos collections ?

Mes collections sont d’inspiration pop-rock, avec une touche traditionnelle et artisanale qu’est la broderie sequins à l’envers du tissu. Elles sont féminines et glamour, souvent à thème.

/ Ce qui fait votre force justement, c’est ce sens du glamour et la volonté de sublimer les femmes. A qui s’adressent vos créations ?

Aux femmes actives et soucieuses de leur apparence, qui n’aiment pas le classicisme et qui ont elles-mêmes un côté créatif.

/ Vos collections sont toujours originales en effet. Est-ce important pour vous de créer des vêtements qui sortent du lot?

Certainement pour moi et pour celles qui les portent ! Une femme qui a de la personnalité,  aime l’exalter à travers ses tenues, sa coiffure, son apparence et n’aime pas ressembler à une autre.

D’autre part, tous les créateurs souffrent du plagiat et il n’y a pas d’autres solutions que de créer sans cesse quelque du nouveau et ne pas être étouffée par les « copies ».

/ Quelle vision créative vous guide au quotidien?

La création est un reflet de la vie qui nous entoure, plus on a une vie riche, plus on est inspiré ! Par la musique, le cinéma, le théâtre, les scènes de rues, les sorties, la nuit, le lever du soleil, la nature, les fleurs, les animaux…tout est inspirant si on sait en tirer l’essence de la créativité.

/ Vous avez habillé différentes célébrités en Tunisie. Ces personnalités sont-elles importantes dans votre processus créatif ?

Bien sûr !  Je leur ai d’ailleurs dédié une rubrique « whowears » dans mon site internet https://www.miss-anais.com/who-wears#5d98bbfa42f76.

C’est un exercice très intéressant que de créer selon la personnalité d’une célébrité et en fonction du lieu où la tenue va être portée. C’est aussi une grande marque de confiance qui me touche énormément. Je ressens que mon travail est récompensé.

/ Certains designers ont proclamé que le luxe n’existait plus et que seule restait la mode. Qu’en pensez-vous ?

C’est totalement faux ! Chanel, Dior, Versace, Vuitton, Balmain… sont présents depuis des décennies et sont toujours là. Le luxe est un métier à part, à ne pas confondre avec le haut de gamme. Le luxe c’est un sac, un collier, une robe qui ont demandé chacun des mois de travail, des matériaux nobles et précieux, le travail d’experts depuis le styliste jusqu’à la « petite main » avec souvent une touche de génie. Le luxe, c’est aussi l’image de marque d’un pays, comme la France, ma deuxième patrie. Cela représente un immense patrimoine qui a connu certes des difficultés, mais qui sera toujours là.

/ Qu’est-ce qui vous plaît et vous inspire dans notre époque ?

Le choix, l’accessibilité et la diversité. Tout est là, sous nos yeux, pour travailler, créer et être inspirée, d’Internet aux rayons des merceries, en passant par le matériel perfectionné et les nouveaux matériaux !

/ Votre maison indépendante s’est considérablement développée, avez-vous en projet d’autres lignes de produits ? 

Oui.  J’ai créé en 2020 une marque pour hommes « Hoowa ». Je trouve que les hommes sont les lésés de la mode en Tunisie.  Ils ont très peu de choix et il était nécessaire de leur proposer une ligne vraiment travaillée, des créations qui sortent de l’ordinaire, plutôt « Urban chic » avec toujours une touche artisanale et traditionnelle : la calligraphie arabe,  les symboles amazigh…

Pour les futures lignes de produit, j’ai quelques idées en tête, mais je me dois de les garder secrètes …

/ Quelle est la tenue que vous préférez dans toutes vos créations ?

C’est toujours ma dernière création qui est ma préférée …. J’ai un petit faible pour la robe sequins créée spécialement pour les JCC. Elle a été la toute première de mes créations « Gala outing» avec un esprit rock chic que l’on retrouve dans ma dernière collection « Rock Tradi ».

/ Toute petite, vos étiez influencée par votre célèbre maman. Aujourd’hui, vous êtes maman de deux adorables petites filles, sont-elles influencées par leur propre maman aussi ?

Bon sang ne saurait mentir ! Oui elles viennent régulièrement à l’atelier, dessinent des modèles, créent des tenues….

/ A part la mode, vous êtes également auteur, comédienne et musicienne. A choisir, dans quel domaine vous vous sentirez le plus dans votre élément ?

J’ai été également animatrice sur RTCI pour « Mode Fm ». Ces domaines sont complémentaires. La mode est mon métier à plein temps mais je n’abandonne pas mes autres passions.  Je suis une curieuse et toujours avide de nouvelles expériences.

J’ai co-écrit un livre avec Isabelle Enault intitulé « révolution, jetset et lablabi » paru en octobre 2020. C’est aussi une idée qui trottait dans ma tête depuis des années.  Dans cet ouvrage,  c’est mon pays qui est dans sa nature profonde, sans tabou, avec humour, et surtout loin de l’image trop souvent véhiculée tantôt « cartes postales » tantôt misérabiliste. Le théâtre est aussi une autre passion qui me permet de m’évader, d’aller au bout de mes émotions. Je suis une mélomane également et même si je ne suis pas vraiment « musicienne », je joue de la guitare tous les jours.

/ Vous êtes aussi une patriote qui ne s’est pas croisé les bras lors du confinement suite à la Covid-19. Des masques aux normes sanitaires ont été créés depuis vos ateliers pour une noble cause. Parlez-nous de vos actions,  toutes à votre honneur…

C’était la moindre des choses ! Nous étions dans les premiers mois de la pandémie, dans une période d’angoisse et d’incertitude incroyable. J’avais mon atelier presque à l’arrêt. Il s’est mis alors à fonctionner d’un coup à plein temps pour pouvoir aider sans  hésiter une seconde ! J’ai donc approvisionné en masques lavables cinq  hôpitaux (Razi, Rabta, Makthar, Charles Nicolle et Kassab), et également pour les citoyens de la Marsa.

/ Nos pages mode sont consacrées à vos créations et à votre dernier cru. Parlez-nous un peu de cette collection ?

Je viens de révéler « Rok Tradi ». Une collection phare sur laquelle je travaille depuis plusieurs semaines. C’est vraiment une première en Tunisie. Il s’agit d’apporter un côté décalé aux tenues traditionnelles, grâce à une touche très spéciale : (Fouta blousa rock, fermla rock, tarayoun rock, caftan rock…), on y retrouve le cuir, les sequins, les swarovski …

/ Nous savons que vous êtes une superactive sur les réseaux sociaux et vous comptez même plus de 60.000 followers sur instagram.  Quel est votre rapport avec vos fans ?

J’ai choisi de partager mon style de vie avec les fans de ma marque Miss Anaïs  (compte instagram : missanais.officiel), et pas uniquement les photos de mes créations.

Cela a créé un lien plus personnel, une proximité qui plaît à beaucoup.  Je reçois de nombreux messages… Tous positifs en plus !

/ Ya t’il une question que je n’ai pas posée et que vous auriez voulu que je pose ? Si oui laquelle ?

Si j’ai encore des rêves à réaliser !

/ Il y en a d’autres ?

Ouiii, encore et toujours …

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