“ Faire payer la victime et gratifier le bourreau”

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Monia Sanekli

Mariage forcé, mutilation sexuelle, viol, obligation vestimentaire… les violences faites aux femmes sont multiples et toujours actuelles dans les sociétés et en particulier dans nos sociétés arabo-musulmanes où elles sont multiples et difficile à cerner en raison des fortes réticences des victimes à les dénoncer. Régulièrement, les femmes sont rabaissées jusqu’aux soirées JCC aux émissions télévisées. Régulièrement surgit également les questions de la nudité, du port du voile ou de la burqa agitant tous azimut la société tunisienne post révolution. Un débat sur le sujet à fait ressurgir plusieurs questions profondes telles « Il faut voiler les femmes pour éviter les viols ».  Monia Sanekli docteur en philosophie nous en dit plus sur la question mettant à jour la haine portée aux femmes.

Pourquoi le voile et la burqa suscitent- ils tant de controverses qu’aucune autre tenue ?

Le voile et la Burqa ne sont pas de simples tenues. Ils ne sont en aucun cas destinés pour des besoins anthropologiquement vestimentaires ou même esthétiques. Dès leur apparition dans toutes les religions et spécialement l’islam, ils dénotaient d’une identité marquant l’appartenance à une communauté bien déterminée. Cette identité entre autre véhicule une ontologie et un mode d’être “asexué” au sens ou le genre humain est exclusivement reconnu au masculin et non au féminin. Toute religion est basée sur l’exclusion et la convoitise “ du corps’ et la convoitise du “corps de l’autre”. Cet état de fait se traduit essentiellement par le bannissement du féminin en tant que“ L’être et le corps de l’être autre “ en faveur d’une ontologie moniste uniquement masculine.

Evidemment, il s’agit de constructions fantasmagoriques et imaginaires mais qui peuvent rassurer et protéger les hommes de leurs faiblesses et leur fragilité. Toutes les religions monothéistes sont basées sur le déni du féminin, les Dieux anciens ne vivaient pas de cette ontologie divisée, mais d’une ontologie dualiste où le féminin et le masculin sont en éternelle alliance.  Le monothéisme a détruit cette alliance originelle.

Faudrait-il donc comprendre le burqa en ce sens ?

C’est dans ce sens effectivement qu’il faudrait comprendre le port de la burqa ou du voile. Ils sont des marqueurs ontologiques, des identités conquérantes, et des symboles de rapports de forces culturels et généalogiques… d’où la grande polémique. Le voile et la burqa surtout de nos jours reprennent les mêmes fonctions culturelles à leurs naissances. Il s’agit d’instruments de conquêtes et de démarqueurs ontologiques. Un simple habit ne pose jamais de problèmes car il change dans l’espace,  le temps,  les circonstances et l’environnement.

Pour certains c’est plutôt une garantie de chasteté…

Supposer que l’habit et spécialement le voile et la burqa peuvent garantir une chasteté quelconque, c’est se moquer de la morale et narguer la chasteté.  La morale sexuelle exprimée par la chasteté dépendent d’une volonté psychique et d’une attitude hautement bien intègre qui connait et reconnait ses valeurs pour pouvoir les assurer sans aucun prétexte ou justification extérieure.

Si une femme a vraiment besoin de voile et de burqa pour être chaste c’est qu’elle n’est vraiment pas chaste ou qu’elle ne le veut pas réellement. Jamais le voile et la burqa ne dénotent d’une chasteté quelconque.  D’après les propos et les témoignages de beaucoup d’hommes, c’est même très suggestifs et insinuants de séduction.

« Burquer » une femme ou la voiler n’est pas un signe de désir érotique mais une volonté de déni et d’absorption de “ l’être du corps autre”. Il s’agit de réduire la femme et la féminité au néant, au non-sens et à l’objet dévitalisé et asexué.

Quand la femme se voile ou accepte de se «  burquer » n’est pas par chasteté c’est plutôt par ou volonté d’obéir pour s’épargner.  Elle épargner ainsi son être et parfois sa vie… ou par volonté de conquête dans le sens ou conquérir un homme c’est lui donner ce qu’il veut dans la forme qu’il veut.

Le voile et la burqa sont –ils compatibles avec le vivre ensemble ?

Tout vivre ensemble suppose une certaine unité relative de valeurs. Un contrat social et moral qui est supposé garantir le vivre ensemble autrement le respect de la dignité de l’autre.

Cependant, cet autre avec qui nous sommes censés vivre en paix devrait être reconnaissable et identifiable. Une certaine transparence dans tous les plans est exigible dans le vivre ensemble.  On ne pourrait plus faire la part des choses, ni les nuances, ni le dévoilement du bien et du mal avec tout “voilement”.  Celui-ci favorise l’opacité, la méfiance, l’ombrage et le soupçon. Tout vivre ensemble suppose la reconnaissance, la confiance, l’assurance, la sécurité, la clarté et la visibilité. Si ceux-ci sont absents, on est menacé et on ne saura jamais qui est l’autre ? Ce qu’il est ? Ce qu’il peut faire comme transgression à la paix sociale. Voiler, Burquer c’est cacher et éveiller tous les soupçons et les transgressions invisibles. Il existe une incompatibilité de fond entre tout “ voilement” et le vivre ensemble.

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