L’architecte d’intérieur du palais Lella Chedlya confie son histoire


Rym Menchari Lazrak est une architecte d’intérieur tunisienne qui aime aider continuellement ses clients à se sentir bien dans leurs espaces de vie ou de travail. Ils sont très nombreux à la choisir pour son analyse de leurs façons de vivre, de leurs besoins et surtout de l’espace existant. Elle a ce souci du détail et aime aller au bout de ses projets et au bout de ses rêves. L’une de ses dernières réalisations n’est autre que le fabuleux palais qui porte le nom de Lella Chedlya. Nous avons rencontré cette architecte d’exception pour en savoir plus sur cette magnifique réalisation et sur cette femme qui apparaît rarement en public et encore moins sous les projecteurs. Entretien

Le Palais Lella Chedlya est d’une beauté historique magique. Quel est son histoire? Pourquoi porte t’il le nom de Lella Chedlya. Qui est-elle ?

Ce palais doit son nom à la Princesse Lella Chedlya troisième épouse de Mohamed El Habib Bey. Il régna sur la Tunisie de 1922 à 1929, père de Lamine dernier Bey de Tunisie, qui l’a acquis en 1926.
Construit sur une parcelle de l’ancien Palais du Ministre Khaznadar, actuellement l’Ecole des Cadres Supérieurs de la Sureté Nationale.

Ce palais fut légué à sa fille la Princesse Fatima décédée prématurément à 29 ans.
Son époux, le Général Ahmed Caid Essebsi et leurs enfants vendirent la propriété en 1967 à Bakhta Belkhiria épouse Boujemaa et ce n’est qu’en 2004 que Pascal Prieur pris possession.

Qui est-il ?

Pascal Prieur est un homme d’affaire Français, propriétaire de ce Palais. Une forte relation d’amitié s’est créée au fil des années. Une sincère complicité, après de longs moments à discuter et à imaginer chacun des espaces. Nous avons partagés beaucoup de souvenirs, des moments de joies et de déceptions au fur et à mesure que le chantier avançait. Il est considéré pour mon mari et mes filles comme un membre de la famille.
Rym Menchary vous avez un lien particulier et même passionnel envers ce palais…. Pourquoi?

Passionnel est vraiment le mot approprié.
Ma première entrevue avec Pascal remonte à Juin 2006. Ce Palais me rappelle les longs jours de travail, de recherches, de répertoriage, d’imagination, de dessin avec minutie, de plans et de détails avec une grande précision et de création d’échantillons.
Ce sont des moments de joie et de déceptions.

Vous êtes architecte d’intérieur depuis presque 30 ans, et pourtant
vous êtes diplômée en mathématiques. Comment votre aventure avec
l’architecture a commencé?

En effet j’ai obtenu un baccalauréat français scientifique, pour faire plaisir à mes parents et pour avoir beaucoup plus d’opportunités.
Ma mère voulait que je fasse les études de médecine dentaire.

Mais aujourd’hui, vous êtes plutôt une artiste confirmée…

C’est que je suis née dans une famille d’artiste. Depuis mon adolescence, je dessinais des tableaux. J’étais influencée par mes cousins qui peignaient des personnages sortis de nulle part, des miniatures persanes sur des feuilles de platanes. Ma tante est l’une des premières dames à avoir étudié les beaux-arts.
J’ai toujours admiré mon père, ingénieur des ponts et chaussés. Je le regardais tracer des routes, des ronds-points… bien sûr à l’époque à la main, au rotring avec de l’encre de chine. Il adorait dessiner nos portraits, mes sœurs et moi.

Pour revenir au palais Lella Chadlya, il parait qu’il était initialement prévu pour être une résidence privé mais que par la suite, une autre idée a germé pour la transformer en maison d’hôte. Comment cette idée a-t-elle évolué?

Au tout début, Pascal, m’a présenté le projet comme étant sa propre demeure. Une demeure ou il pouvait accueillir sa famille qui vivait en France, et ses amis de divers horizons. Au fur et à mesure que les années passaient, Pascal a perdu certains membres de sa famille. La maison était devenue trop grande pour lui.

Au vu de l’investissement et la beauté du lieu, c’était égoïste de ne pas en faire profiter tous les amoureux d’art. Présenter sa collection de tableaux, de meubles anciens et d’objets, qu’il avait chinés pendant toutes les années où il avait travaillé en Algérie. Cela s’est fait tout naturellement.

Combien de temps vous a t’il fallu pour terminer ce chef d’œuvre?

Comme je l’ai déjà précisé j’ai rencontré Pascal en 2006. Le connaissant, comme étant une personne très exigeante, et très perfectionniste, c’était pour moi un défi que d’accepter une telle aventure.
Je devais donner une âme à cette demeure. Ce fut un long travail de répertorier la collection de Pascal, en faïence, en ferronnerie, en encadrement de marbre, en boiserie au fur et à mesure qu’il en prenait possession.

Par la suite le dessin de plans, de calepinage, élévations intérieures de chaque mur, passages, détails de chaque espace intérieur, de détails de salle de bains, cuisine, détails fontaines, plan d’eau, terrasses, banquettes, allées, les créations de frises et les échantillonnages…Cela a pris deux longues années. En 2008 nous avons entamé la deuxième partie. Pascal avait acheté une propriété attenante au palais. Nous l’avons ouverte sur la première, et nous l’avons restaurée. Il me parlait au tout début d’un pavillon d’été.
L’idée est venue d’en faire un lieu pour des événements culturels, un espace d’échanges pour les esthètes.

Quel est votre meilleur souvenir lors de vos différents travaux?

Les meilleurs souvenirs pour ce Palais, ont été la rencontre avec de merveilleux artisans, nos longues heures à échanger et à partager nos idées. Pascal s’absentait pour ses affaires de longs mois. Il était installé entre la France et l’Algérie. Lorsqu’il retournait, j’étais impatiente de lui montrer l’avancement des plans pour chaque espace. Chaque suite était destinée à un membre de sa famille. Il était toujours surpris et heureux de mes différentes inspirations lors de mes nombreux voyages. Moqueur, il me disait « ça y est on est en mode ottoman ou oriental pendant combien de temps ? »
Mon plus beau souvenir après trente années de travail, c’est lors de la rénovation du paquebot El Habib au chantier naval de Nobiskrug en Allemagne pour le compte de la CTN.

Et le pire souvenir?

Durant ma carrière professionnelle, je n’ai pas eu de pire souvenir, sauf le fait de souvent me mettre beaucoup de pression.
Pour ce projet par exemple, mon souhait était de faire de cette demeure quelque chose de différent des Palais tunisois. Je ne voulais pas retranscrire ce qui existait déjà. Je voulais que chaque espace et calepinage soit différent. Je voulais que l’on puisse ressentir cette touche féminine, en donnant une certaine légèreté et poésie aux espaces même pour l’extérieur.

Quels sont vos prochains projets?

Actuellement je suis en train de finaliser certaines villas de maitre, un projet administratif, et j’entame le réaménagement d’un hôtel.
Chaque projet pour moi est unique, on doit reconnaitre ma touche, je suis très exigeante envers moi même.

Quels sont vos rêves?

Mon rêve c’est de faire le tour du monde pour revenir avec de nouvelles inspirations.
J’ai toujours voulu reprendre des études pour me spécialiser dans le domaine du paysagisme et de l’éclairagisme.

Je vous laisse le mot de la fin

Je vous remercie de m’avoir donné cette opportunité d’éclairer certains points et de me
permettre de valoriser ce travail de longue haleine à sa juste valeur.





Entretien conduit par Nadia Ayadi

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